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Auteur/autrice : celinextenso

Funèbre résistance

Dernièrement, j’ai beaucoup entendu autour de moi « C’est mon premier vrai deuil, je n’avais jamais perdu quelqu’un de mon âge, proche, qui ne soit pas mort de vieillesse. »
Je levais un peu les yeux et les épaules, mi-blasée mi-meurtrie. Je répondais : Et alors ? Moi j’en ai perdu plein mais tu sais, on ne s’habitue pas au fil des deuils. Ça ne change rien, c’est toujours aussi dur. 

On ne souffre pas moins, non. Mais je dois reconnaître que ça n’est pas complètement vrai : le handicap m’a copieusement familiarisée avec la mort, et bien sûr, ça change beaucoup de choses.

C’était pas rien de grandir depuis toujours avec la perspective de ma propre mort, puisque d’après un grand professeur un poil alarmiste, je ne devais passer mon premier hiver. C’était pas rien de voir les adultes autour de moi porter mon deuil d’avance, me regarder avec le coeur humide, un sablier dans le regard.
Ils ne le disaient probablement pas, et si petite je ne le comprenais pas, mais bien sûr que ça laisse une empreinte.

Ça n’est pas rien d’avoir passé ma vie en tablant sur l’idée qu’il me restait une dizaine d’années. Depuis l’enfance, ce genre d’échéance arbitraire, à la louche, avec cette constante : je ne serai jamais vieille, je ne mourrai pas de ça, ma vie est suspendue à un autre fil bien plus ténu.

Depuis toujours j’ai vu mourir des gamins de mon âge, des ados de mon âge, et ça n’était vraiment pas rien. Regarder ça, pas dupe : c’est pas mon tour, mais c’est moi, mon histoire. Chaque mort, un warning qui s’allume dans ma tour de contrôle.
Mais accueillir chaque drame sans faire de vague, ne pas montrer combien ça touche, pour protéger l’entourage. Peut-être surtout pour ma propre sauvegarde, de peur que les émotions, une fois confiées, sortent de mon contrôle, ricochent, fassent boule de neige et me reviennent monstrueuses. J’ai toujours eu un petit kiff du contrôle extrême, alors apprendre à ne pas me laisser toucher, ou vraiment pas longtemps.
On développe des mantras qui nous soufflent d’en faire quelque chose, vite, donner du sens à cette absurdité. Compenser par plus de vie, se projeter dans l’avenir qu’il nous reste, à nous, ah ! Combien de sorties, week-ends ou vacances j’ai pu me programmer, en apprenant un décès. Courage, vivons !

Mais il ne s’agit pas d’un simple rappel de l’éventualité de ma mort.
Fléchir serait bien trop risqué sur plus d’un plan, parce que le monde entier autour chuchote que quelque part, c’est peut-être mieux comme ça. Que ça n’était pas une vie de toutes façons. On est soulagés « pour lui », maintenant il ne souffre plus. Et puis sa famille va enfin pouvoir se reposer et faire de nouveaux projets.
Très jeune, je ne disposais pas de l’idée de validisme, j’encaissais juste un malaise sans mots, une violence doucereuse qui puait, que je ne pouvais que tenter de tenir à distance.  

Parfois dans les journaux, on apprend que c’est une mère elle-même qui a mis fin aux jours de son enfant handicapé, et le public penche la tête en se disant qu’elle a dû souffrir beaucoup, la pauvre, pour en arriver là. Je ravale ma colère, j’ai pas les mots.
Alors dans ma pulsion urgente de vivre plus fort, il y avait certainement un peu de bravade : là, vous voyez bien que c’est une vie !

La mort, avec un handicap, c’est tout ça. C’est une lutte à la fois symbolique et très concrète, presque quotidienne, pour exister coûte que coûte. 

C’est vrai qu’on gère souvent nos deuils en vieux habitués. Aujourd’hui encore j’évite de me laisser affecter par les morts qui s’égrainent, les connaissances qui tombent. L’esprit se trouble, s’émeut puis se reprend.
J’ai tellement côtoyé, traversé, réfléchi, apprivoisé la mort, que je pense avoir un rapport sain et dépassionné, avec elle. Je veux bien sûr qu’elle se tienne loin de moi et de mes proches le plus longtemps possible, mais elle ne me fait pas peur. C’est la règle du jeu qu’on aime pas, mais qu’on accepte parce que le jeu est cool.

Alors, je suis l’amie solide qui peut accompagner ta fin de vie ou ton deuil, entendre tes angoisses, tenir ta main et adoucir ou alléger ces moments, selon tes besoins.

40 années d’expériences m’ont rendue presque insubmersible.

Et puis parfois il y a un deuil trop proche, une trop aimée, qui fait rompre le barrage et s’effondrer les murs porteurs. J’ai peut-être trop pensé la mort, pas assez ressentie, et je me prends ça en pleine face. Je n’en sais rien en fait, y a peut-être rien à expliquer ou analyser, j’ai juste mal à en crever comme n’importe qui perdant un proche.
Trop familière du truc, je ne crois pas traverser les sacro-saintes étapes du deuil. Pas de déni, peu de colère, allez directement en dépression sans passer par la case départ, et passez 5 tours. Je n’élabore rien, je l’ai déjà trop fait. Je n’ai que le vide, le manque, les larmes.
« Courage vivons » ne suffit plus. Je m’y accroche toujours mais le temps peine à reprendre son cours, les mois et les années restent blessés.
Pendant cette lente remontée… les morts s’égrainent encore autour de moi, bien sûr. Avec leur chapelet de poignards validistes jugeant de la valeur de nos vies.
Et puis touchant du doigt cette douleur extrême, je vous laisse imaginer la culpabilité projetée : mon départ sera semblable, blessant vivement mes proches.

Alors, c’est vrai que c’est quelque chose de ne plus pouvoir compter ses morts.

Et nous sommes aussi meurtris que forts de ce bagage invisible. Armés jusqu’aux os, contre quiconque voudrait nous aider à mourir avec un peu trop d’empressement.

Le handicap, aux yeux de la société, est inlassablement cantonné au champ de l’expérience individuelle, intime. Mais cet intime-là, comme tant d’autres, est éminemment politique, et menace nos vies.

Not today est écrit en blanc sur fond noir, souligné d'une épée. Un triple trait barre les 2 O
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Je ne suis pas une femme like you

(C’est pas parce qu’on va parler de trucs sérieux que je vais me priver de vous mettre une chanson pourrie dans la tête.)

Disclaimer : ça fait 6 mois que je prends des notes pour cet article, et toute la vie que je réfléchis à ce sujet. J’évolue constamment, je comprends des choses, je reviens sur d’autres, mais à un moment il faut bien trancher. Prenez-le comme un instantané révocable dans mon cheminement)

***

J’ai toujours eu du mal avec mon genre.
C’est le lot de beaucoup de meufs, bien sûr. Une femme subit tellement d’injonctions qu’elle ne se sent jamais à la hauteur, elle doute d’elle-même, serait-elle une anomalie ? Je crois que c’est un questionnement courant.

Mais attendez, moi c’est pas ça. Moi je parle de l’impossible positionnement d’une meuf handi, c’est vraiment autre chose.
Ça me semble aussi une interrogation bien répandue, chez les personnes handis, mais je ne sais pas pour qui exactement. Les types de handicaps modulent sans doute beaucoup l’affaire, j’ai l’impression que mon expérience est liée au combo « handicap physique très visible + de naissance », mais écoutez je ne vais pas faire de généralité et plutôt parler de moi. Ça tombe bien j’adore ça.

Longtemps ce fut un questionnement diffus. Enfant je n’aime pas tellement les trucs de filles, les Barbies, le maquillage et les potins, mais ça me tiraille différemment. Je sens qu’il y a autre chose, plus profond. Ça n’est pas que je ne colle pas aux injonctions féminines, c’est que… On n’attend même pas ça de moi !

Très jeune gamine, beaucoup trop jeune, je m’accroche démesurément à l’idée d’être mère. Idée rouge et rageuse, de larmes et d’insomnies, puisqu’à l’époque, le projet semble perdu d’avance : mon handicap paraît incompatible avec une grossesse, mon espérance de vie trop courte pour élever des des enfants (tout cela était finalement faux, mais aujourd’hui qu’importe). Je m’y accroche d’autant plus, je prends ça comme un affront, un défi, le chantier de ma vie.
Si aujourd’hui les enfants me font toujours bien kiffer, avec le recul je pense qu’il s’agissait avant tout d’une place à prendre. Et quoi de plus validant pour une femme, aux yeux de la société que la maternité ? Cette place où personne ne voulait m’envisager, je voulais l’arracher.

À 35 ans, à ma grande surprise, cette idée fixe m’a quittée.
À 35 ans aussi, il se trouve aussi que je suis entrée brusquement dans le game de la séduction (on a failli attendre, dis). J’ai enfin plu, et avouons-le, ça aussi c’est un sacré ancrage dans le genre. (jusqu’au jour où je deviens bi, mais ne nous éparpillons pas :-))
En parallèle, mes cercles deviennent féministes et je découvre que les filles c’est pas toujours barbant, que ça peut être badass et drôle. Ces meufs là, au détour d’une phrase m’appellent « meuf » en retour, et tout s’allume. « Ohlala je rentre enfin dans une case !» Ça m’émerveille. Ça ne change rien fondamentalement, mais pardon : rentrer dans une case, j’ai tellement pas eu l’habitud. Quel confort, quelle économie d’énergie, quel repos pour l’esprit !
Pendant quelques années, j’ai savouré ce répit identitaire. J’ai joué un peu avec ma nouvelle vie, mon image accidentellement gagnée. Je n’ai pas davantage adopté les codes féminins, j’ai au contraire pris plaisir à surprendre, détourner. Piéger mon genre comme un jouet de farce et attrapes.

***

L’an dernier ça m’a repris brutalement. Je me suis mise à pleurer des rivières devant chaque réflexion sur le concept de genre (et quand t’es féministe, c’est chaud). Ce truc profond était toujours bien là. Le jeu était sympa, facile, je savais faire et j’aurais pu continuer. Mais ça me grattouillait toujours désagréablement. Fraude. Me chuchotait « Ça fait longtemps que t’as pas fait d’insomnie, non ? ». Me terrassait à nouveau.

Pourtant personne ne dénie jamais frontalement mon statut de femme. Mais moi… Est-ce que je suis une meuf ? Bof. D’ailleurs c’est quoi une meuf ? Et si je ne suis pas une meuf je suis quoi ? Un mec trans ? Bof aussi. Ça ne frétille pas moins, pas plus. Est-ce que je suis non-binaire alors ? Pfff… J’aimerais pouvoir dire oui, mais désolée, bof, bof, bof. Voire même non.
Bon, mais alors c’est QUOI le problème à la fin ?
Moi-même, je ne comprends pas ce que je veux, mais alors qu’est-ce que je pleure.

Tout le monde essaye de me rassurer « Mais enfin si, tu es une une meuf, regarde, tu vis tel truc comme nous, et puis tel autre, tu es lé-gi-time ». Loin de réussir à m’apaiser, ces tentatives me mettent en rage, tellement elles sont à côté de la plaque.

Affûtant mes couteaux en féminisme, je vois de plus en plus clairement les mécanismes sociaux qui constituent l’expérience d’être une femme. Et je me vois systématiquement en creux, en négatif. Et même quand parfois ça rejoint mon expérience, ça sonne faux, ce ne sont pas les mêmes mécanismes.

J’égraine les thèmes, et je peux jouer à les dispatcher selon les genres :

Comme une femme, on se permet de me toucher sans mon consentement. Mais pas les fesses ou les seins de façon sexualisée, non. Moi c’est plutôt comme un petit enfant : on me caresse la tête, la joue, le bras, avec compassion et attendrissement.

Comme un homme, je suis la reine du bitume. Dans la rue quand une femme croise un homme, les études montrent que c’est systématiquement la femme qui s’écartera, l’homme ne dévie jamais de sa trajectoire, sûr de son droit d’occuper le territoire. Dans la rue, hommes comme femmes me cèdent le passage. S’écartent ostensiblement, bien plus que nécessaire, s’excusant comme d’un crime de lèse majesté. Et passent le message à grand bruit “Poussez-vous, poussez-vous, laissez-a passer ! Tu vois pas que tu gênes ?!”.

Comme une femme, je suis la confidente. La personne de confiance, intrinsèquement bonne, généreuse, et pure. Incapable de perfidie, un angelot. Un parcours de supposées souffrances m’auraient fait développer une immense sagesse, une empathie sans borne. Et puis je suis forcément disponible h24, puisqu’on me suppose isolée, sans véritable vie sociale, héhé pratique.

Comme une femme je subis des injonctions vestimentaires. Mais comme personne : on me veut en jogging unisexe. On me tend des vêtements pratiques à enfiler. Il n’est jamais question de mettre mon corps et ses atouts en valeur, juste de cacher le handicap, et moi avec. Parce que le valide est un petit être fragile, il faut le préserver de nos réalités hors cadre. Même les enfants ont des vêtements plus sexualisés que les nôtres (pas que j’approuve, hein). Comme une femme, on veut mon corps normé, mais pas dans un but de séduction. On ne traque pas mes bourrelets, mais mes déformations. Quitte à me faire opérer, quitte à n’y gagner aucun bénéfice fonctionnel. Sois droite et tais-toi. Et peu visible si possible.

Comme un homme, on valorise avec force mon intelligence et mon humour. Comme un homme, je séduis en misant tout sur ces armes. (J’ai appris que les femmes s’efforçaient massivement de cacher leur intelligence pour ne pas faire peur, je n’en suis toujours pas remise.)

Comme un homme, je n’ai jamais été harcelée, agressée, draguée, insultée… dans la rue comme ailleurs. Je n’y pense jamais quand je me promène, on ne m’a jamais dit d’être prudente, de faire attention à ne pas m’habiller de façon provocante. Je suis pourtant plus vulnérable que n’importe quelle femme, ça pourrait ô combien, je le sais. Mais écoutez, à force d’être ignorée dans l’espace public, ce truc qui semble constamment présent à l’esprit de toutes les femmes ne m’a jamais même effleuré.

Comme une femme, je mets un point d’honneur à prendre soin des autres, rendre service. Je suis dans le care, mais parce que personne n’attend ça de moi. Puisqu’on me considère incapable et dépendante, non seulement je veux m’assumer seule, mais aussi me rendre utile. Ça n’est pas obéir à une attente, c’est au contraire une reprise de pouvoir, un contre-pied qui rétablit un peu d’équilibre. Faire mentir vos schémas par esprit de contradiction.

Comme un homme, j’exploite le travail (gratuit ou salarié) des femmes : Pas dans une démarche choisie de domination, bien sûr, mais c’est un fait : les métiers du care sont majoritairement féminins, et dans les familles, ce sont nos mères, nos sœurs qui se sacrifient pour nous donner du temps, du soin, de l’attention. Je suis celle qui demande, celle qui embauche. En revanche personne n’exploite jamais le mien, ni salarié ni gratuit, ça n’est pourtant pas faute d’essayer de me rendre indispensable.

Comme une femme, je souris. Je souris pour ne pas déranger, je planque mes besoins et débordements sous le tapis. Ma palette d’émotions doit bannir la colère. Le discours général, Téléthon et compagnie, le martèle comme une prophétie auto-réalisatrice : je suis une leçon de vie, courageuse, positive. Je souris tou-jours !

Comme une femme, on étouffe ma parole, on me la coupe, on ne lui donne aucun crédit. Il faut dire que c’est tentant, je suis toujours accompagnée d’un ou une auxillaire valide, alors pourquoi s’emmerder à me parler, me regarder ? Le valide avec moi sera toujours considéré comme le meilleur expert de moi-même.

Comme une éternelle enfant, on considère que je n’ai pas de vie sexuelle. Je suis désexualisée, partenaire inimaginable, indésirable par essence. C’est tout simplement impensable. D’ailleurs les personnes qui désirent ou fantasment sur des personnes handicapées sont perçues comme comme les pires perverses, pas loin des pédophiles, alors que fétichiser des personnes grosses, racisées, ou trans (tout problématique que ça soit) est reconnu comme socialement acceptable. Quand les femmes rejettent à raison l’hyper-sexualisation dont elles sont victimes, à tout bout de champ, je ne peux pas me sentir concernée.

Donc comme un homme, je peux parler de cul et me dénuder aussi grassement que je veux, personne ne me traitera de salope. Je joue inlassablement à chercher la limite, il me semble qu’elle ne viendra jamais, et j’avoue que ça me fait beaucoup marrer . C’est un des trucs qui m’amuse le plus dans le fait d’être une meuf handi (mais c’est au prix du point précédent qui, lui, pèse un Valls mort)

Comme une femme j’ai été mature très jeune. On considère que les filles grandissent plus vite, sont plus sages, plus raisonnables que les garçons, éternels inconséquents foufous. Moi j’ai surtout l’impression que quand tu grandis proche de la mort, avec de nombreux soins, contraintes et limitations, que tout le monde te considère avec gravité, ce sont des choses qui arrivent.

Comme un homme, je n’ai jamais subi de pression pour me réaliser dans le mariage et la parentalité. On envisage ma réussite dans les domaines sociaux et professionnels, je n’ai qu’à me soucier de moi et de mon épanouissement. Évidemment puisque je n’ai à vos yeux vocation ni à baiser ni à procréer Bien sûr c’est là aussi lié à cette connerie pesante d’invisibilisation asexuée. Mais je n’ai jamais grandi avec cette injonction, comment nier que cela éloigne considérablement mon expérience de celle de mes « semblables », de mes demi-sœurs ?

Comme une femme, j’ai appris à ne pas déranger, à toujours tenter de me faire discrète. Mon gros fauteuil attire déjà bien assez l’oeil comme ça, dans un restaurant on soupirera que je gène le passage, alors dans une pièce j’ai appris à viser les bords, sinon les coins.

Comme un homme, je n’ai pas peur de vieillir. Parce qu’on perd quoi en vieillissant, la désirabilité et la santé ? Hé hé, jamais eu jamais perdu ! Et puis je pensais mourir jeune, personne ne me projetait adulte, alors encore moins vieille. Et encore aujourd’hui, à 40 ans passés, je dois lutter pour ne pas être infantilisée. Alors va de retro crèmes anti-âge et colorations, moi je chéris outre-mesure mes premières rides et cheveux blancs, ma ménopause précoce est une fête.

Comme personne, j’ai même des toilettes non genrées, homme, femme, handi ! Personne ne sait quoi faire de moi. Homme handi ou femme handi ? Soudainement la division genrée devient négligeable.

***

Si j’étais un homme handi ? J’ai l’impression que ça changerait si peu de choses, structurellement… Au sein de ma classe, je ne me sens pas opprimée par les mecs handis. Ils ont sûrement un peu plus de facilités sociales que nous, certains thèmes s’articulent différemment. Les meufs handis, en cumulant deux oppressions, se trouvent sans doute un peu plus bas qu’eux, mais structurellement, il me semble que rien ne nous place directement sous eux… J’ai l’impression qu’on se rejoint surtout très, très loin sous les hommes et femmes valides.

Est-ce que je veux être une meuf, coller aux stéréotypes ? Hell no, je ne peux pas décemment dire ça. En temps que féministe, je passe mon temps à lutter contre eux, tenter de les défaire. Rien de ce qui fait la condition féminine ne m’attire vraiment, alors pourquoi me forcer ? Est-ce que j’aurais la faiblesse de penser qu’on changerait mieux un système « de l’intérieur », comme d’aucuns aimeraient réformer en douceur la police, le Téléthon ou la politique française, alors qu’il n’y aura de salut qu’en faisant tout péter, abolition et révolution ?

Mais en attendant, je suis quoi, je fais quoi ? Mon cerveau fait des aller-retours et s’épuise, je ne sais plus quoi revendiquer, ou placer mon curseur, et ce flou est très inconfortable.

Je pourrais me dire non-binaire mais je n’en ai pas envie. Je ne suis pas « Non-binaire » je suis « Non-binarisée » et c’est une expérience très différente. J’aurais trop l’impression de céder à la contrainte, au rejet que je subis. « Ok vous avez raison, je suis inadéquate, je suis ce monstre loin de la norme ». C’est peut-être pas idiot comme stratégie, revendiquer être freek, le retournement du stigmate c’est quelque chose que de nombreuses communautés ont fait. Mais pour l’instant au moins, je ne m’y vois pas.
Parce que m’associer à des personnes qui choisissent de s’identifier comme tel en rejetant leur genre initial ne ferait qu’invisibiliser ma problématique, de la même façon que me noyer dans la classe des femmes.
Et surtout, ça me semblerait une source d’inconfort, d’instabilité, qui rongerait toute mon énergie. Je suis casanière moi, non allez rendez-moi ma case, même si elle ne veut rien dire.

Alors de guerre lasse, par faiblesse, je me dis femme.

***

Mais si je bute autant sur la réponse, c’est peut-être que la question est mal posée.

Si le genre ne se préoccupe pas de moi, je devrais bien en faire autant. Vouloir absolument y trouver ma place, m’y conformer, c’est peut-être même validiste ?
M’obstiner à vouloir à tout prix « comprendre mon genre » ne fait que camoufler la vraie question : qu’est-ce qui m’éloigne de l’échiquier du genre ?

Mon genre est juste : non pertinent, erreur 404. Chercher à m’y positionner est vain. Je ne suis pas genrée, ou si peu, je suis avant tout : handi.
Handi n’est pas non plus mon genre, soyons sérieux, handi est une identité qui me prive de genre et plutôt que lutter pour y trouver ma place, je gagnerais à défaire les broussailles qui entravent mon passage.
Il faut que j’arrête de pleurer face aux définitions du genre qui m’excluent, je dois tourner cette colère contre le validisme. Ne pas me tromper de coupable.

La société est basée sur un système de genre, et avoir un genre est un privilège valide. Ou un boulet, sans doute. Et si je l’avais, je le combattrais comme vous, mais je n’en suis pas là. Comme une étape, je dois savoir d’où je viens avant de revendiquer une case ou non.

***

Le fond de ma colère, c’est pas le genre, c’est le féminisme valide et ses oeillères.

Il y a chez mes comparses un malaise palpable quand j’exprime mes doutes, et un besoin compulsif de me rassurer, de me valider dans mon identité de femme. Elles cherchent à se raccrocher à la moindre similitude, quand j’explique que mon expérience diffère. Ensuqué de sororité et de bienveillance automatique, le milieu n’a qu’un mot à la bouche « Toutes ensemble toutes ensemble, ouais ! Ouais ! »

Je comprends le besoin de faire corps, de se rassembler pour mieux lutter. Je milite ainsi, je ne vais pas dire que ça n’a pas de sens. J’ai créé les Dévalideuses, un collectif handi-féministe, et c’est peut-être le truc dont je suis le plus fière. À titre personnel aussi ça a compté, j’ai évoqué ces premières fois où l’on me donnait du « meuf ». Être reconnue, appartenir, évidemment ça nous renforce.

Mais me forcer à m’identifier femme « comme vous », c’est me faire porter un coût terrible, de conformité et de dissimulation.
Quand vous m’assimilez, vous me désignez l’ennemi « homme » à abattre, comme quand on est gosse. Par loyauté, je veux bien grossir vos rangs, mais ça ne résoudra pas mon problème. Et moi, mon ennemi « valide », à quel moment je le prends à bras le corps ? À quel moment vous aussi êtes loyales envers moi ?

Le validisme, ça n’est pas seulement l’inaccessibilité des luttes, réunions, manifestations. C’est aussi notre absence totale de vos théories.

Alors ok pour le rassemblement, mais pas aveuglément. Pas au prix de l’uniformisation, de l’invisibilisation des marginalités complexes.
Pour moi, pour nous meufs handis, mais aussi pour vous je crois.
Je pense que mon vécu dit quelque chose. Je ne sais pas encore ce qu’on peut en tirer, mais on a toutes besoin que vous l’entendiez.

Femme fatale playmobil, debout sur un fauteuil roulant, une scie à la main, sourire carnassier

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J’irai squatter chez vous

L’autre jour je suis allée chez une amie.
Je veux dire CHEZ une amie.
Je veux dire DANS sa maison vraiment !
Je sais pas si vous visualisez bien le truc ?

Je suis allée prendre un café, comme ça. Non, un thé  à la menthe, elle les fait si bien. Elle vient d’emménager dans une maison enfin accessible. Ils ont déjà vidé les cartons, c’est encore un peu en chantier mais c’est habitable. J’étais heureuse de les voir si bien installés, ils seront heureux ici, et le voisinage semble adorable. La cuisine est minuscule, mais je l’ai vue me proposer « un peu » de sfouf, en extirpant d’un petit placard un énorme pot de 10 litres, ô joie, c’est mon péché mignon. On s’est posées sur la terrasse, les enfants allaient et venaient entre le gâteau et leurs écrans. Le jardin est aride, il faudra que je les aide à le rendre plus doux et vivant. À 4 heures son mari est rentré avec de nouvelles pâtisseries, ça fait des années que je ne l’avais pas croisé, sa barbe a blanchi. Je n’avais pas le temps, mais on pourra se promener le long du canal la prochaine fois.

Micro-moments simples et doux, je l’ai quittée toute réjouie.
Émerveillée comme une gamine qui n’est jamais invitée aux anniversaires.
Mais sur le chemin du retour, je ne sais pas trop pourquoi, une rage folle est montée en moi.
Non je suis pas reconnaissante. Je suis furieuse contre vos logements inaccessibles.

Je crois que c’est le caractère improvisé et banal de tout ça qui m’a fait vriller. L’idée que c’est votre quotidien à tous, et que c’est la première fois que je peux faire ça chez cette amie alors que je  la connais depuis 20 ans.

Oh j’ai une vie sociale assez géniale, je suis aimée et entourée des meilleurs, j’ai beaucoup de chance. Je suis même invitée parfois, mais ça a trop souvent ce goût d’exceptionnel. Au mieux c’est pour une occasion, un repas. Même ceux qui habitent à l’étage proposent parfois « Viens en fauteuil manuel, on sera assez nombreux pour te porter ! » . Je l’ai fait, je refuse maintenant. Je n’ai pas envie d’être un événement, le clou de la soirée. Pas pour ça.
« Génial, on a même permis à Céline d’être là ! »
Je ne veux pas l’inconfort de ce fauteuil, les douleurs et la passivité qu’il m’occasionne, puisque sans mon fauteuil habituel, je perds toute autonomie. Je n’ai pas envie de surveiller l’alcoolisation des mes porteurs en appréhendant la redescente scabreuse dans des escaliers en colimaçon. Pas envie de les voir se faire mal au dos et demander « Euh quelqu’un d’autre pourrait s’en occuper finalement ? ».

Vous n’imaginez probablement pas ce que ça peut modifier d’une relation, d’être toujours celle qui reçoit.
Ça n’est pas une question de charge de travail, c’est l’équilibre de la relation, qui est en jeu.
C’est entrer dans vos quotidiens. Ausculter votre bibliothèque, y traquer vos lectures honteuses, découvrir des pépites, vous les emprunter. Juger votre bordel, me sentir rassurée quant au mien. Découvrir l’odeur de café et la lumière chez vous.
C’est pouvoir débarquer en urgence, garder vos gosses pour dépanner, venir vous aider à réparer un truc, vous apporter vos courses et vous faire à manger quand vous êtes malades. (T’as vu je suis cool)
C’est vous regarder évoluer dans votre milieu naturel, saluer vos voisins, caresser votre chatte, m’engueuler avec votre conjoint, rencontrer vos amis.

En vrai quand j’étais môme j’étais souvent invitée aux anniversaires.
Parce que j’étais déjà badass.
Mais aussi parce que je vivais dans un lotissement construit après guerre par les ricains. Du genre que tout le monde méprise, où les maisons de plain-pied standardisées, presque identiques manquaient peut-être un peu de cachet, mais étaient TOUTES intégralement accessibles.
Mes parents avaient choisi cette maison pour son accessibilité, j’avais 2 ans et on venait d’apprendre mon handicap. Mais je ne pense pas qu’ils aient envisagé combien l’accessibilité des maisons alentour allait aussi me changer la vie.

Je pouvais aller chercher mes copines sans aide. Je pouvais venir jouer dans leur chambre, regarder le club Dorothée, rester goûter…
Je n’avais pas vraiment réfléchi à ça jusqu’aujourd’hui, mais peu d’environnements m’auraient offert cette chance.

C’est quand j’ai débarqué à la grande ville, riche et évoluée que j’ai déchanté.
Les copains, étudiants, ne pouvaient souvent se payer que de petits logement dans de vieux immeubles, ou en cité universitaire (évidemment inaccessible, j’espère que ça ne vous étonne pas)…
Moi j’avais un chouette appart en hyper-centre, je venais de prendre mon indépendance, je jubilais. Ça me plaisait de voir tout le monde se retrouver chez moi, j’étais the place to be. J’aimais apprendre à cuisiner, j’aimais recevoir, c’était valorisant.

En vieillissant ça s’arrange un petit peu, l’embourgeoisement ça a du bon. On va vers plus de maisons individuelles, plus de choix et / ou de modernité. Quand vous déménagez vous y pensez, parfois…. avec une place très variable dans la liste de vos priorités.

Mais le temps passe, et je me lasse. J’en ai ma claque de faire comme si la seule chose importante c’était la relation, nos discussions, et du bon pinard sur la table.
C’est pas parce que c’est l’essentiel qu’on peut se permettre de négliger le reste.
La colère retenue 40 ans m’envahit. Je suis en colère contre vos logements inaccessibles et envisage le séparatisme radical. Ne plus me lier qu’avec des amis qui sauront m’accueillir. Ne plus m’investir que dans des relations équilibrées. Ma vie serait si différente.

Il était temps que je me mette en colère, et il serait temps que ça vous dérange.

Alors maintenant, concrètement on fait quoi ?

Bien sûr que je ne vais pas rayer de ma vie tous mes amis et mes amours. Plutôt crever.

Individuellement, c’est compliqué de vous en vouloir vraiment, parce que je sais comme les logements accessibles sont rares. Je sais que que quand on a pas les moyens, on prend surtout l’appartement qu’on peut. (Mais je vous juge quand vous tenez à vos poutres apparentes plus qu’à pouvoir m’accueillir chez vous)

Et puis, même les personnes handicapées peinent à trouver des logements accessibles Alors est-ce qu’ils ne vaut pas mieux leur laisser à eux, qui en ont un besoin vital, plutôt que l’occuper, vous qui m’inviterez peut-être une fois par an ?
Bien sûr, ce calcul est légitime… Mais il n’y a pas de bonne réponse individuelle à une situation si vérolée.
Parce qu’avec cette stratégie, on entretient l’idée que l’accessibilité, c’est un problème qui ne concerne que personnes handicapées. Facile pour vous, drapez donc votre culpabilité dans cette image de sacrifice au profit les plus nécessiteux.
Et puis à force de considérer que les logements accessibles sont destinés à la population handicapée, on sous-estime l’ampleur de la pénurie. La demande ne concerne pas 10 % de la population mais 100 %.

On n’en peut plus de porter ça seuls, il va falloir mettre la main à la pâte.
Comment ?

1) Politiquement.
Avez-vous entendu parler de la loi ELAN ?
Alors que la loi de 2005 prévoyait de rendre 100 % des nouveaux logements accessibles… 100 % ? Non calmez-vous, on parle de 100 % des logements en rez-de-chaussée ou accessibles par ascenseur, donc en réalité, on tombe déjà à 40 %.
Et bien en 2018, 2018, la loi ELAN a dit « Balek, ils sont pas si nombreux, on va plutôt partir sur 10 % ! » (10 % des 40 % toujours).
La douche froide, retour à la case prison. On a protesté, on a peu entendu votre indignation. Soutenez-nous, fort, soyez de vrais alliés. Par pour faire un geste généreux mais parce que cette injustice qui ruine nos vies devrait vous RÉVULSER, j’exagère pas.

2) Individuellement.
Vous refaites votre porte-fenêtre ? Faites-la sans seuil. Vous changez vos interrupteurs ? Mettez-les plus bas. Pensez chaque modification comme si elle devait servir à une personne handicapée. Même si il reste des grosses marches infranchissables en fauteuil, améliorez l’ensemble au fil de l’eau, peut-être que la prochaine qui habitera votre logement sera heureuse de n’avoir à aménager que ces escaliers !
Vous êtes locataire ? Faites pression sur votre syndic, votre propriétaire, parlez-en à vos voisins. Si vous êtes nombreux à le demander, régulièrement, ça deviendra une question prioritaire. Et votre vieille voisine vous remerciera.
Les proprios s’obstinent ? Par une belle nuit d’été prenez une masse et allez me péter cette marche devant votre entrée, ils seront bien obligés de la refaire !

3) Prosélytez.
Soyez le pénible de service partout où vous allez, faites remarquer l’inaccessibilité des lieu, inlassablement, ça nous soulagera de ne pas porter ça seuls.
Parce que si on ne peut pas aller chez vous, c’est souvent tout aussi compliqué de vous rejoindre au bar, au parc, au bowling… Signaler « C’est dommage, je ne viendrai pas chez vous avec mon ami en fauteuil, mais chez votre concurrent». Signalez qu’en attendant de faire des travaux, ils peuvent s’équiper d’une rampe amovible pour pas cher.
Combien de fois on doit expliquer ça.
Combien de fois l’avez vous déjà fait ?

Voilà ce qu’on veut. Pas des bons sentiments, pas que vous changiez de regard.
On veut des actes au quotidien. Même petits, mais concret.
On veut que vous partagiez cette charge.
Et venir squatter chez vous.

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Assistance sexuelle : droit au cul ?

Qu’est-ce que je lis, madame Cluzel veut rouvrir le débat sur l’assistance sexuelle ? Ah parce qu’il avait jamais été fermé ?

Ok, ok. On est pas dupes, on voit trop bien la grosse ficelle politique qui vise à détourner l’attention, et on a pas envie, mais on y échappera pas.
Alors imaginons un jeu marrant : le débat, c’est nous.
On explique, on questionne, on débat, et les valides écoutent.

Mais avant de discuter cette « solution », prenons un peu de recul.

Petit rappel utile : LA sexualité des personnes handicapées n’existe pas plus que LA sexualité humaine. Nous sommes homos ou hétéros, kinky ou vanille, mono, poly, asexuels, et mille autres nuances.
Et puis bien sûr, LE handicap est aussi une chimère polymorphe. Le handicap ne troublera pas de la même façon une personne trisomique, tétraplégique, ou malade chronique. 
Et nos identités ? Nous avons tous les âges, tous les genres. Nous sommes de toutes cultures et classes sociales.
Et vous pensez sérieusement détenir LA solution à tant de diversité ?

Mais bon d’accord, ça n’est pas inintéressant d’y réfléchir. On ne va pas nier que le sujet pose question, que nos sexualités sont souvent entravées. (Hors BDSM je veux dire)
C’est vrai qu’il y a un truc.
Nos sexualités font souvent face à de nombreux freins, que ne rencontrent pas les personnes valides. Oh elles en rencontrent bien d’autres, bien sûr ça n’est facile pour personne. Mais là, il est question de nos particularités, et il y en a quelques unes. 

De l’assistance sexuelle comme palliatif à un manque ?
C’est vrai, certaines personnes handicapées, des hommes, des femmes, connaissent un manque de contact charnel, une solitude, un manque de confiance en soi, parce qu’elles n’ont jamais eu d’expérience sexuelle, ou que ça fait longtemps. Elle aimeraient faire appel à un.e professionnel.le. Pour jouir aussi.
Oui d’accord pourquoi pas. Au fond, de nombreux valides le font déjà pour des raisons assez similaires, rien de nouveau sous le soleil. 
J’ai longtemps été très critique sur l’assistance sexuelle parce que « C’est pas le problème, c’est pas la solution » et parce qu’elle est organisée de façon dégueulassement validiste. J’ai déjà écrit tout le mal que j’en pensais (ici) et je le pense toujours, mais je comprends aussi, sincèrement, que ça peut être un outil facilitateur et apaisant, pour certains.
Ces personnes sont minoritaires, en réalité bien peu d’entre nous seraient intéressés, mais évidemment minoritaire ne signifie pas négligeable, et après tout : si les valides y ont recours, pourquoi n’aurions-nous pas aussi ce choix, parmi un large éventail de vécus possibles ?

Accessibiliser le Travail Du Sexe
On a du mal à y recourir parce que c’est pas légal le manque d’accessibilité, déjà. Vu leurs conditions de travail précaires, on ne peut pas s’attendre à ce que les TDS nous reçoivent dans des locaux dernier cri, aux normes PMR et tout. La passe rapide dans une voiture ou dans un coin isolé, c’est compliqué aussi quand il faut nous allonger pour nous déshabiller.
Mais il y a peut-être surtout la peur de mal faire. À force de s’entendre dire qu’il faudrait une formation complexe pour nous baiser sans nous blesser, combien de TDS osent accepter de nous manipuler sans avoir potassé de A à Z le manuel des castors juniors, même si on leur promet qu’on est pas fragiles, qu’on va leur expliquer, que c’est pas compliqué ? Très peu.
On s’entend dire « Désolé, je fais pas ça » et on finit par capituler.
Même en payant on ne veut pas de nous ? Wow.
Alors au lieu de cloisonner « pauvres chatons handis / méchants clients valides », si on tentait plutôt de rapprocher les communautés TDS et handis, pour réfléchir ensemble, sans validisme ni charité, à ce qui leur permettrait de mieux nous accueillir ? Comment pourrait-on s’entraider, s’entrapprendre, pour mieux se rencontrer ? Leur apporter nos souhaits, nos suggestions, répondre à leurs interrogations… Et en échange soutenir leurs revendications, et exiger la reconnaissance de leur travail , bien au delà de la seule question du handicap.
Mais ça madame Cluzel, je doute que ça fasse partie du plan.

Alors analysons plutôt l’origine du problème.
De quel manque s’agit-il exactement ? 

Le manque de jouissance ?
Oui peux le comprendre, c’est super cool de jouir. Mais je ne crois pas que dans ce manque, il n’y ait qu’une pulsion biologique.
Il faudrait vraiment, collectivement, arrêter de mystifier ça comme l’alpha et l’omega, comme un besoin physique absolu et élémentaire. Se sentir exclu de ce plaisir là, quand les romans, chansons et même publicités nous y ramènent constamment (même totalement hors de propos) c’est d’une violence inouïe. Alors que très franchement, pour le plaisir des sens, le parapente ou la raclette ça fait aussi pas mal le job.
Mais c’est vrai aussi que le plaisir sexuel et sensuel, c’est quand même très cool et c’est dommage de ne pas en profiter. Fort heureusement, on peut aussi s’en donner seul.
Si t’as des mains, tu es sauvé fais toi plaisir.
Si t’as des mains mais qu’elles ne sont pas trop mobiles, il existe peut-être des sextoys adaptés qui pourraient t’aider à grimper aux rideaux. Non ? Et bien peut-être qu’on pourrait les concevoir alors ?
Et si tu ne peux vraiment pas bouger, peut-être (peut-être) que tu as un cerveau ? Bonne nouvelle, avec peu ou pas du tout de stimulation physique, tu peux aussi atteindre l’orgasme. Oui oui, le vrai, et on ne le dit pas assez.

Accessibiliser la gynéco 
Mais en fait, globalement on ne parle pas de nos sexes. Personne. Même pas le corps médical. Même pas nos gynécos, puisque souvent on en a pas. Même là, on est exclus, et pourtant oui, la considération de nos sexualités commencent ici : de la contraception à la procréation, en passant par le bon fonctionnement général de nos organes génitaux.
Mais les cabinets des gynécos sont bien souvent inaccessibles en fauteuil. Et quand on on peut y entrer, c’est la table qui est trop haute, les étriers impraticables. Et puis le validisme des soignants qui vont considérer qu’on ne va pas s’embêter à nous examiner, de toutes façons pour ce qu’on a d’activité sexuelle, hein…  Alors de nombreuses femmes jettent l’éponge et renoncent à un suivi gynéco régulier.
Peut-être qu’il y a un vrai travail à commencer ici pour réhabiliter nos sexualités.

Mais vivre une sexualité, bien sûr, ça n’est pas qu’une question charnelle.

Le manque de plaire est dur à vivre aussi.
C’est vrai qu’on est moins souvent désiré, spontanément. C’est souvent une lutte pour nous que d’exister dans le game de la séduction. Simplement exister, être considéré comme un être genré, sexué. Aux yeux de beaucoup de valides, ça ne va vraiment pas de soi.
« À cause du handicap » ? Non, en tous cas pas comme un truc intrinsèque, mais bien davantage à cause du manque d’images culturelles adéquates. Chaque fois que le valide a vu un handi à l’écran, c’était pour parler de handicap. Le Téléthon, intouchables, la prévention routière ou autre drame social. Jamais on ne nous invite pour parler de sujets légers, alors forcément, le valide ne percute pas qu’on peut être aussi ce genre de partenaires. Il faut lui indiquer lourdement…
Le désir est une chose éminement culturelle, construite, et on peut y travailler très concrètement en veillant à nos représentations. « Changer le regard » ne se fera pas à coup de bons sentiments et d’opérations de sensibilisation, non. On va juste imposer nos images badass à vos regards frileux. Forçons la porte des standards de beauté, roulons sur les podiums, couchons-nous sur papier glacé, jaillissons dans le porn.

Réapproprions-nous nos corps.
Mais ça n’est pas qu’aux yeux du monde, qu’il faut apprendre à sortir du cadre. Apprenons nous-même à ne plus copier la norme.
Échangeons, partageons nos astuces, enrichissons-nous de nos créativités.
Il nous faut plus d’espaces de parole sans valides, pour souffler librement.
Apprenons à ne plus nous excuser d’être autres. Enterrons nos hontes, et apprenons la fierté d’être nous, d’avoir tant à offrir.

Puis jaillissons partout ! Imposons-nous dans la vraie vie.
C’est quand même là que le sexe est le meilleur.
Sortons, rencontrons !
Quoi ? Ça non plus c’est pas possible ? Des marches ? Des transports inadaptés ?… Damned.
Dans ce parcours du combattant, quid de l’accessibilité des bars, des boites, des festivals ou du club de macramé ou on aurait pu faire des rencontres ? 
15 % des couples se seraient formés au travail : vous connaissez le taux d’emploi des personnes handicapées ?
Alors on passe par les sites de rencontres, la modernité a du bon. Et… On lui donnez rendez-vous où, à ce date ? Un resto, un ciné, un concert ? Même problème de logistique, n’espérons aucune spontanéité.
Elle nous propose un dernier verre ? Ah si elle n’habitait pas au 3ème étage sans ascenseur…
Quand on exige l’accessibilité des bâtiments (comme la loi le voudrait depuis 1975, bordel!), on ne parle pas juste de la boulangerie du coin, mais de ce truc qui peut ruiner chaque parcelle de nos vies, jusque dans leur intimité.

Exister dans la sexualité présuppose d’exister tout court.
Et on existe, bien sûr, mais à quel prix ?
Comment s’investir dans la séduction, plaire et aimer, quand la précarité de nos quotidiens nous ronge toute énergie ?
Comment avoir les moyens de mener une vie sociale quand l’AAH nous laisse sous le seuil de pauvreté  ?
Comment prendre soin de soi quand on manque déjà d’aides humaines pour les actes vitaux ?
Comment avoir l’esprit léger, quand le gouvernement chaque jour grignote nos droits, sabote nos quotidiens ?

Nous voilà arrivés à la base de la pyramide de Maslow. Merci madame Cluzel de vous intéresser à notre épanouissement sexuel. Vous avez vu, il y a du boulot, mais aussi plein de solutions pragmatiques, simples, et même pas polémiques .
Et devinez par quoi il va falloir commencer ? (Les autres, dites rien ;-))

Le droit au cul n’existe pas, ça serait absurde.
Par contre, oui, nous irons chercher un par un tous ces droits préalables essentiels, qui nous permettront d’accéder à la vie sexuelle de notre choix, en toute équité de nos frères et sœurs valides.

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Un enfant, si je veux ?

C’est drôle ce qu’on peut se tromper des fois.
Moi qui aime tout anticiper, je me suis bien loupée.
Je ne suis pas de celles qui font un plan carré, déterminé, et s’y accrochent ensuite contre vents et marées, moi je suivrais plutôt les éléments. Mais j’aime avoir envisagé d’avance tout ce qui PEUT se passer. Et cette vie-là, je ne l’avais pas vue venir. Merci les vents, c’est mieux que tout.

J’ai 10 ans.
Ma vie est éclatante, mi-bizarre mi-banale, et elle me plaît. J’explore, je dévore, je ris.
Je sais pas trop combien je vais vivre, d’après les docs pas très longtemps, mais qui sait ? Et si je vis, ça sera quoi ma vie ? Dans quel état ?
Je n’ai pas de modèles à l’époque, pas de figures adultes handis, il va falloir s’inventer seule.
Apparemment tout le monde s’accorde « Elle est intelligente, elle fera des études ». Alors ok, j’irai ailleurs. Ce chemin qu’on me tend, bien trop fastoche. Je ne suis pas votre leçon de vie, moi je veux un truc plus subversif, j’irai là où on ne m’attend pas, voyons voir… Je veux être mère !
Banalité pour presque toutes, hypothèse insensée pour ma pomme. Personne ne l’envisage « dans mon état », alors je n’en parle pas. Je réfléchis. J’aime déjà bien ça, réfléchir beaucoup. J’ai peur que ça ne soit pas possible, comment pourrais-je porter une grossesse ? Porter l’enfant ensuite ? Gérer son quotidien ? Et si je meurs ? Est-ce que c’est correct de donner vie à un orphelin programmé ? Ça m’empêche un peu de dormir, mais y a pas encore internet alors je garde mes questions sans réponses. 

J’ai 20 ans.
J’ai pas eu d’adolescence, je sors d’un tunnel moche, étouffant, mais je revis.
Je me construis, j’invente mon autonomie, ma liberté. Je commence à piger ce que ça peut être, mon avenir, et j’adore ça. J’expérimente encore, j’apprends, je me marre.
Mais au fond, toujours les mêmes insomnies. Mes potes sont loin de ces préoccupations, bof, ils ont le temps eux.
Je commence à grappiller quelques réponses. Techniquement, une grossesse semblerait possible. Risqué mais possible. C’est rare, mais certaines pionnières l’ont fait. Le flou se dissipe, mais reste cette culpabilité irrésolue : Est-ce que c’est éthique de faire un enfant quand on a une espérance de vie limitée ? Comment je lui donne les armes pour y faire face ? Est-ce qu’il ou elle m’en voudra ?
De toutes façons l’amour me boude, alors la question n’est pas à l’ordre du jour. Alors pourquoi je m’embête avec ça ? Je balise le terrain. Le jour venu, je serai prête.

J’ai 30 ans.
J’en crève.
Ok, j’ai bien compris, je vais pas crever tout de suite, j’ai le temps d’élever un môme, raisonnablement, et putain je suis sûre que je serai la meilleure des reums. J’ai tout prévu, scrupuleusement. J’ai même fait la paix avec ma conscience, alors let’s go destin viens me chercher. Destin pourquoi tu viens pas ?! 
Les potes qui s’en fichaient procréent maintenant négligemment à tour de bras. Leur routine, le trou dans ma chair.
L’amour me boude toujours, et c’est pas gai mais là surtout dans l’immédiat, surtout ça bloque ma vocation ! C’est trop couillon, je suis si prête ! Puis être une femme et ce putain de compte à rebours.
Je sais qu’à 40 ans il sera trop tard. Je sais que mes 40 ans seront un drame, qu’ils me transperceront le giron. Et que peut-être après, seulement après ce renoncement, je pourrai classer le dossier et me bricoler un peu de sérénité. Commencer une autre vie. Je redoute ce renoncement autant que je l’espère.
En attendant, je ne lâche rien. Et si je prenais des chemin de traverses ? Et si je faisais ce môme seule, insémination ? Et si je le faisais à plusieurs, coparentalité ? Au quotidien, sur qui je pourrais compter ? Je balise encore le chemin, je fomente des plans d’enfer. C’est un pari démesuré, mais franchement je m’en crois capable.

Demain j’ai 40 ans, et je viens de me rappeler par hasard cette deadline redoutée.
J’ai pas d’enfants, mais une sérénité de dingue. J’ai pas attendu de renoncer pour ça, d’ailleurs est-ce que j’ai renoncé ?
Le poids c’est envolé par un beau matin de matin de mes 35 ans. Tiens, ça fait longtemps que j’ai pas pensé à ça… Tiens, ça ne fait plus mal quand j’appuie là ?
Aujourd’hui, je n’ai pas d’enfants et je n’en manque pas. Si ce truc plus qu’improbable survenait demain, je sourirais, je réfléchirais.

Je ne manque pas d’enfants, j’en ai plein dans ma vie. J’aime ceux qui m’entourent, des petits, des grands, et ils me le rendent plutôt bien. Je savoure toujours leur compagnie. On se marre beaucoup, on s’échange des regards brillants de complicité tendre, ils me font grandir et je pense faire ma part de transmission dans ce monde qui n’est pas seulement brute.

Je ne manque plus d’amour, j’en ai plein. Des petits des grands, tous me nourrissent et me tiennent chaud. Je prends soin d’eux, ils prennent soin de moi, on se tisse de cocons. Famille choisie, foyers de coeur, n’empêchent pas que le sang batte.

Je ne manque pas de liberté. Le handicap m’en grignote bien un peu, mais je fais jaillir mon temps restant dans milles projets magiques. Évidemment, plus tôt ça ne m’aurait pas consolée, moi j’étais prête à sacrifier sans broncher toutes mes libertés sur l’autel de la maternité. Mais aujourd’hui, lucide, je les chéris tout particulièrement.

Je n’ai plus besoin de prouver que je peux être celle qu’on attendait pas. Moi-même je me surprends encore souvent et j’aime toujours autant ça. Mais il y a tellement d’autres façons d’être audacieuse et de sortir des lignes attendues. Mille autres façons d’être femme.

Je ne sais pas ce qui s’est passé. Je ne sais pas pourquoi il y a eu ce besoin, impérieux, douloureux. Je ne sais pas davantage comment il a disparu. Mais je sais que ce cheminement m’était nécessaire. Il balisait celle que je suis. 

J’ai 40, et je ne voudrais pas en être une autre.

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Rapport à mon corps

À l’automne dernier, un soir je vois passer un appel sur twitter. Il photographie des gens. Des corps. Nus. Et déplore de ne travailler qu’avec des corps relativement normés. Moi j’avais jamais envisagé ou souhaité ça, mais en roues libres je lui écris « Ah ben si tu veux du non-normé j’ai ce qu’il te faut ! ». Je crois même pas que j’étais ivre.
Le lendemain, je prends le temps de regarder un peu plus à fond ce qu’il fait, et c’est bien. Je lis ce qu’il écrit de sa démarche personnelle et ça me plaît encore plus. On échange quelques mails, et je découvre une personnalité, une sensibilité, une intelligence, qui me plaisent. Beaucoup. Oui, cette idée bizarre, déraisonnable, était une bonne idée, je veux le faire. Avec lui.
Son site s’appelle « rapport au corps » et sur le mien, il y a du dossier.

Moi j’ai un corps depuis quoi, 3 ans environ.
Avant aussi, probablement, mais c’était confus, ça ne me parlait pas. C’était un corps logique, évidemment nécessaire, et puis basta. J’ai pas tiré le plus facile, carte joker handicap, mais bah, il fallait bien, alors je faisais ce qu’il fallait pour lui. D’ailleurs plein de gens faisaient tout ce qu’il fallait, autour de moi, ça les préoccupait sans doute encore plus que moi. Bon, c’était comme ça. Docs, chirs, kinés, parents.
Mon corps c’était pas le truc le plus réjouissant de mon incarnation, alors j’ai préféré investir d’autres zones de ma vie.
Esthétiquement, je me sentais à peine concernée par lui. Je comprenais, j’entendais qu’il pouvait être gênant, indésirable, choquant. Différent, bouh, pardon braves gens. J’entendais, petite, à propos de mes vêtements « C’est bien, ça cache, on ne voit pas ». On ne voit pas quoi ? La scoliose, le corset, les trucs pas complètement symétriques en moi. Ça cachait moi un peu aussi, il paraît que c’était mieux.
Oh je ne l’ai pas vraiment mal vécu, je m’en moquais un peu puisque de toutes façons ce corps ne m’intéressait pas. Mais il y avait cette gêne gênante, un peu collante. Ça pèse évidemment.
Devant mon miroir, pas vraiment de rejet, juste un éternel rappel surpris « Ah oui c’est vrai, je ressemble à ça. C’est ce que les autres voient. ». Au pire « Ah ouais, pas de bol ». Et puis basta.
Des complexes à l’adolescence ? Même pas trop, je me sentais tellement pas concernée. Et puis la rationalité qui s’imposait, toujours, brute. « J’ai un handicap super lourd, et j’y peux rien. Alors je vais pas me mettre à complexer parce que j’ai pas de poitrine, des lunettes, ou le cheveu qui frisotte, ça serait idiot, tout le monde s’en fout à part moi, les gens ne voient que le fauteuil de toutes façons. Ouais, pas con. Mais dans tout ça, il n’existait pas le petit bichon. (Oui, maintenant on s’aime bien on s’appelle bichon) Et c’était pas très sain.
En matière de séduction « Bonjour, t’occupe pas de ce machin de chair et d’os, c’est mon véhicule nécessaire mais je suis un pur esprit », clairement ça marche pas.
Tout ça, sous couvert de c’est-pasgrave, c’était quand même bien délétère.

Au fil des ans, les autres, blouses blanches et famille ne s’en préoccupent plus vraiment, je reprends les rênes, doucement mais fermement.
Et puis un jour, va comprendre. Le déclic, YOLO. « Hé mais attends j’ai un super jouet là, on peut aussi s’amuser avec, sérieux ? ». Pour une raison obscure, pour des facteurs divers, ou aucun, peu importe.
Je vois d’ici vos yeux luisants de stupre, mais calmez-vous je ne parle même pas de sexe, enfin pas que. C’est l’enfance de l’art, ça se passe tout seul, j’incarne mon corps. Je le ressens, de mille façons, plein pot. Je m’en émerveille, tout s’éveille. Je me colorie les cheveux, je fais des dessins sur ma peau, et c’est enfin moi dans le miroir. J’expérimente plein de choses, j’exalte.
J’ai toujours une scoliose, plein de trucs asymétriques un peu tordus, différents. Des lunettes et autres particularités banales aussi. Et je ne crois plus que ça dérange. Je ne cache plus rien, et ça plaît même, je crois. Mon corps est différent, en quoi ça l’empêcherait d’être beau ? Et puis en fait je m’en fous sincèrement de le trouver beau ou pas. Je lui trouve du chien, et j’aime son caractère un peu cabotin.
Je l’incarne maintenant avec fierté et confiance. Loin de moi l’idée qu’il serait meilleur qu’aucun autre, mais plutôt crever que de m’en séparer (ah ben ça tombe bien…) Je n’en voudrais juste aucun autre.
Je ne le cache plus. Du tout. Un amant me déshabille pour la première fois ? Même pas je tremble de son regard sur moi. Mon corps tu l’aimes ou tu le quittes, c’est ton problème pas le mien.

On aura mis presque un an à réunir les conditions nécessaires à cette séance photo. J’en sors, et c’était bien.
Je crois qu’il a l’habitude de photographier des gens moins contents leur image (étrangement ouais, peut-être) et que ça lui fait plaisir de pouvoir offrir un peu de confiance en soi à travers ses photos.
Je ne crois pas que j’avais besoin de ça. De me voir belle, féminine, ou je ne sais quoi de valorisant.
Qu’il ne croie pas que j’avais moins besoin de cette séance pour autant.
Me voir, tout court, c’est un cadeau. Je n’ai jamais eu cette vision intégrale sur moi, Dans le miroir je suis assise et rarement nue. Si j’ai déjà bien travaillé à recoller mes morceaux, ça aide quand même fort.
Me montrer aussi sûrement. J’ai pas fini de dire fuck à cette petite phrase insidieuse « c’est bien ça cache ». Cramez-vous les yeux en me regardant, c’est plus mon problème.
Et puis le faire, juste le faire. Je ne sais pas si ça clôt mon cheminement, non je ne suis pas sûre d’en avoir encore tout à fait fini, mais ça y participe joliment. Je suis contente d’avoir su me proposer sans trop y réfléchir. Je suis contente de n’avoir eu comme seule angoisse pour cette séance de nu « Mamaaan comment je vais m’habiller ?! ».
Il y a 3 ans j’ai commencé à vivre sans carapace, et j’ai peut-être pris le truc un peu trop au pied de lettre, mais zut, pour vivre heureux vivons tout nus.

Alors non, les photos ne sont pas encore visibles. Oui elles seront belles, j’ai toute confiance en lui. Ça n’est pas le plus important, mais si vous êtes vraiment curieux vous n’avez qu’à le suivre. Oui, faites ça il le vaut bien. 🙂

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La ligne jaune : ça me vexe.

Petite brève handicap. Mais en musique. Mais han c’est compliqué aussi, ils sont jamais contents ces handis. Vous êtes prévenus.

Hier j’étais au concert de Mademoiselle K. Ohlala qu’elle est choupinette cette meuf, mais c’est pas le propos.

J’arrive assez tôt mais ça va, on se bouscule pas à L’Autre Canal, toute petite salle, maximum 350 personnes debout.
Je passe la porte et un vigile me dit « On vous a mis une place ». Ok merci. Vu la taille, c’est de toute façon pas dur d’être bien placé. Je vais me mettre devant, pour n’avoir personne devant moi. Je suis assise, mais mon fauteuil est équipé d’une fonction lift qui me permet de monter à hauteur d’humain debout. Mais c’est toujours mieux.

Devant la scène, il y a une quinzaine de personnes qui me feraient facilement une place, et sur le côté, une zone délimitée par de grosses barrières de chantier en plastique jaune. Je pouffe, c’est ça la place qu’ils m’ont réservée ? Mais attends ils ne font pas les choses à moitié, il y a bien 10m2, le public va me détester ! Un vigile me confirme, c’est par ici.
C’est pas nécessaire (je suis déjà venue dans cette salle en liberté) mais allez, ça me fait marrer, je veux pas le vexer, je passe de ce côté de la ligne jaune en ricanant. Au moins je serai à l’aise, et la vue sera dégagée pour prendre des photos, accoudée sur la scène.

« O-oh… » me signale mon auxiliaire.
Bien sûr. Ils n’avaient pas vu si large sans bonne raison, comment j’ai pu être aussi naïve ? Je partis seule, nous arrivâmes 10 fauteuils bien tassés dans l’enclos jaune. Petits petits petits. J’étouffe. (Hé oh c’est quand qu’on sort ? Je voudrais jouer dehors…)

J’étais toujours bien placée, vue dégagée, mais crispée jusqu’aux os. Je suis handiphobe, je suis validiste, je vais (presque) vous épargner mes horribles pensées. Mais l’ambiance autour de moi c’était distribution de verres d’eau par les éducateurs (parce que oui, c’était la sortie d’un centre, évidemment) (et un handi ça se déshydrate vite apparemment), et cris et coups de pieds, et caresses non sollicitées. On m’a un peu tiré les cheveux, aussi, mais pas longtemps, ils l’ont sorti de la salle finalement.

Aoum…

IMG_20171115_221352J’ai fait une bulle autour de moi, j’ai serré les dents, et je me suis concentrée sur ce qui se passait sur la scène.  J’y suis allée toute seule, hier, je n’avais que ma propre détresse à gérer, ça va, tranquille. (En vérité j’ai l’dos qui tremble de porter toute ma rage) Mais je vous laisse un peu envisager d’autres cas de figure.

– J’y vais avec 2 potes. Et mon auxiliaire, donc. Ah oui parce que dans un enclos à handis il y a des règles de bienséances intraitables : un handi peut se faire accompagner d’UN valide. J’emmène qui ? J’ai besoin de mon auxiliaire a priori. Bon ben du coup autant aller au concert toute seule, hein.
Ou alors je laisse mon auxiliaire s’éloigner, et un pote m’accompagne, devant exceptionnellement m’aider si besoin ? Folle ambiance dans l’enclos, et folle ambiance pour l’autre pote resté tout seul. Et mon auxiliaire ? Je leur demande d’avoir un minimum d’interaction avec mon entourage, c’est pas pour qu’elles passent une soirée concert avec un de mes amis…

– Imagine un date, un rencard, une histoire débutante. Il est pas super à l’aise avec le handicap, alors tu prends sur toi de dédramatiser, de le détendre, de proposer des trucs cools. Tiens ça te dirait un petit concert bien rock n’roll et sexy ? Et bam, l’enclos à bestiaux. La cour des miracles, ça bave, ça crie. Bien joué bébé, ça va bien le détendre ça. Sexy en diable. On va bien rire aussi quand les branques vont lui demander « Je peux voir son sac ? Elle a besoin de quelque chose ? Vous pouvez plutôt la mettre là ? » Comme s’il était mon référent, comme s’il sortait son handi de compagnie pour l’aérer un peu. Pourvu qu’il ait de l’humour…

Je râle, je râle, mais je propose quoi ?

Ok, un fauteuil sans lift, dans la foule, c’est parfos le risque de ne rien voir du tout. Ok, quand les salles nous juchent sur une estrade, on a une super vue. Et ok, si on se débrouille bien, on peut peut-être gruger un verre d’eau gratuit.

Ok, les salles ont des normes de sécurité multiples à gérer.

Mais on peut essayer de penser qu’un concert c’est pas juste du son et de l’image, mais un peu de convivialité aussi ?

Hier, si j’avais choisi de franchir la ligne jaune, d’aller côté valides (Moi la fille la plus décadente) je crois que ça serait passé . Mais c’est pas toujours le cas, certains tiennent vraiment à nous parquer, NON, vous c’est LÀ. Concert en plein air dans un grand parc un jour, j’ai du me barrer en courant pendant que le molosse regardait ailleurs pour qu’il ne me rattrape pas.

Dans la foule moi j’ai jamais eu trop de problème. Même avant le lift. Une ou deux personnes qui t’accompagnent t’entourent (Alors forcément c’est plus facile à deux, rude est la tâche d’une personne seule pour s’enrouler autour de toi, quoique, mais je m’égare.), et rapidement les gens se mettent à faire les vigiles eux-même pour toi et faire reculer les importuns. Quitte à en faire trop parfois, mais bon, ça rend le concert et la vue vivables.

Dans certaines salles à gradins, on est placés au niveau des paliers, et je dois dire que c’est pas mal. La vue est bonne, il n’y a pas de barrières, on peut être 2 ou 3 fauteuils sur un palier, mais au milieu du public et des odeurs de sueur, les potes peuvent se mettre devant ou derrière, c’est plus convivial.

#BonusEnclos : Ce qui est rigolo (…), c’est de voir le regard des artistes se poser ou non sur l’enclos. Certains sont fuyants, d’autres s’approchent de la barrière genre « Oh comme ils sont mignons, on peut en prendre un, dis ? ». Des fois tu sens que la caresse de joue n’est pas loin.
Hier je crois qu’elle n’était pas tellement à l’aise. Je ne lui en veux pas, moi non plus je n’étais pas tellement à l’aise.

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Hiver et damnation 4 : béquilles

 

Si j’arrive à accepter les vagues comme ça, sans trop culpabiliser, c’est aussi parce que je n’ai pas l’impression de rester les bras ballants, je fais tout ce que je peux pour surnager. (Des fois je me sens un peu comme ces gens qui exigent qu’on soigne leur rhume pour en guérir tout de suiiiite… :-/)
L’essentiel est clairement de corriger la source du problème : le manque de lumière. Mais si ça ne suffit pas, il reste quelques armes à dégainer :

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1) Chimiques

Naturelles ou pas, ça reste de la chimie, des molécules actives sur le cerveau.
On peut prendre des anti-dépresseurs, puisque c’est bien une dépression.

– Prozac etc.

On parle d’ISRS : inhibiteurs de recapture de sérotonine. En gros, il font en sorte que le faible stock de sérotonine disponible soit utilisable et pas gaspillé. Le problème de ces produits, c’est qu’il faut plusieurs semaines pour que ça soit efficace, et plusieurs semaines pour s’en débarrasser dégressivement. Pour un SAD de 4-6 mois tous les ans, ça n’est pas très approprié, et ça pourrait nécessiter de le prendre en continu toute l’année. Avec le chapelet d’effets indésirables et le risque d’accoutumance. Mais hé : je n’y connais rien en pharmaco hein, de toutes façons ça ne se gère qu’avec un médecin ces choses-là.
J’ai la chance de pouvoir m’en passer, mais quand il faut, il faut, hein.

– Plus doux : millepertuis.

Plus doux parce que : moins de dépendance, moins d’effets indésirables. Action plus rapide aussi.
Mais attention hein, c’est pas parce que c’est naturel et que ça se trouve en magasin bio (et que je dis que c’est doux, mea culpa :-/) que c’est anodin ! Ça peut interagir avec d’autres médicaments, comme la pilule et trucs importants, ne jouez pas avec ça, et demandez conseil à un doc.
Je ne suis pas sûre qu’on connaisse bien ce mécanisme. Frustrant. :-/
Moi j’en prends. Pas toujours, certains hivers, juste quelques semaines, et oui je trouve ça très efficace. Légèreté et pétillance reviennent assez vite, aucun mal à arrêter au printemps. (Je ne sais pas pourquoi j’essaye quand même d’en prendre le moins possible… Fierté imbécile sans doute.)

– Autre molécule : Griffonia.

Contrairement aux premiers, plutôt que de gérer les faibles stocks de sérotonine, le griffonia permettrait de booster directement la production de sérotonine. Parce que cette plante contient du 5HTP, matériel de base de sa synthèse.
Ça paraît sensé et efficace. Mais je n’ai pas encore tenté, cet hiver peut-être.
Edit un an plus tard : OUI, j’ai testé et ça m’a super emballée ! Je recommande !

2) Professionnelle

Un psy -chologue, ou -chiatre, à condition de trouver la personne qui nous convient. Ça va sans dire, ça peut aider.
Moi j’ai pas trouvé, alors je m’aide moi-même. J’ai la chance d’aller bien et d’être équilibrée (si, si un peu) en dehors de ce problème. D’avoir l’entourage et les ressources en moi pour me bricoler un mieux-être DIY.
Les quelques psys que j’ai pu voir m’ont dit « Vous vous analysez très bien mademoiselle, qu’est-ce que vous voudriez que je vous dise de plus ? » Ben euh, je sais pas, c’est pas votre job de trouver ? Enfin j’aurais aimé trouver quelqu’un qui aurait su m’aider à gérer concrètement certains aspects. Idéalement un psychiatre qui connaîtrait bien la dépression saisonnière, mais je ne sais même pas si ça existe.
Bref, si vous trouvez, ne crachez pas dessus (c’est pas poli).

3) Ce qui fait du bien

Disclaimer : C’est probablement le moins important, ou le moins généralisable. C’est surtout la perche tendue aux insupportables conseils bien à côté de la plaque « Dépression ? Mais non tu devrais courir / faire du yoga / manger du poisson / te prendre en main ! ». Alors NON. Une dépression ça se soigne. Avant tout. Cf les chapitres précédents.
Il se trouve que moi, control freak de la pire espèce, pour supporter j’ai absolument besoin de FAIRE, de me donner l’impression d’avoir prise sur les choses, de ne pas perdre une miette de chance d’accélérer la remontée. C’est pas forcément mieux, c’est juste comme je suis.

Alors qu’est-ce qu’on fait quand ça va pas ? On remplit le temps comment ?
On fait des trucs qui nous font du bien. Si ça nous plaît c’est bien, ça suffit. Moi j’aime bien me faire plaisir gratuitement, mais j’aime bien savoir qu’en plus, ça « agit ». Dans plein de domaines.

1)  A table.

200On peut se faire du bien en mangeant des trucs qu’on aime. Parce que l’hiver c’est quand même la période bénie des plats roboratifs (il n’est pas très appétissant, mais j’aime tellement ce mot), raclettes, tartiflettes, fondues, choucroutes… Chocolats chauds, chocolats tout court, vin chaud, cannelle, et l’apothéose d ‘huîtres, saumon et foie gras si on a de la chance et qu’on arrive à étouffer notre conscience écolo-veggie. (Je plaide délicieusement coupable).
Bref.
La dépression saisonnière s’accompagne souvent d’hyperphagie : on mange plus, et surtout du sucré. C’est pas mon cas, je ne vois pas de changement (j’aime manger, ni plus ni moins).

A l’origine de la sérotonine, il y a le tryptophane, qu’on puise dans l’alimentation. Je vous la fais courte (#CTB?) mais le plus efficace serait d’associer les aliments riches en tryptophane à un apport en glucides. D’où les fringales sucrées, hé ouais, le corps est souvent bien foutu ! (Si tu voyais le mien !)
Éviter de l’associer à un aliment très protéiné, qui va entraîner d’autres éléments concurrents.
Il n’est pas impossible que je raconte des bêtises, alors je vais m’arrêter là. N’empêche que j’aime bien jouer à composer tout ça, et avoir l’impression de me faire doublement du bien. Il faudrait que je me fasse un recueil sérieux d’aliments et menus trypto-tops, tiens.

Ça, et puis veiller bien sûr à manger super équilibré et plutôt sain, vu que je ne maîtrise pas toute l’alchimie de la formule, autant ratisser large.

Ah, et je me suis noté quelque part, en gras et double souligné : PAS. D’ALCOOL.
Je n’ai pas compris exactement pourquoi (est-ce le foie qui sur-consomme quelque chose?) mais la pratique est implacable : ça fait du bien au moral 1/2h, puis ça m’enfonce pour 4/5h. Pas rentable du tout.
Alors si en été, je jouis d’un whisky joyeux plus ou moins quotidien , en hiver je m’abstiens sagement, sauf occasions sociales modérées.

Spontanément, je suis très thé en été, et très café en hiver. En bien figurez-vous que le café aurait un effet positif (limité, à court terme) sur la production de sérotonine.
Quand je vous dis que je suis bien foutue !

2) Activités cools qui en plus font du bien.

La méditation bien sûr. Il y a maintenant suffisamment d’études démontrant son impact concret sur le cerveau. Niveaux d’hormones et structure des neurones, stimulés, enrichis. Ça n’est pas de refus.
C’est un entraînement, ça ne s’improvise pas (enfin moi j’ai eu tellement de mal à comprendre), alors mieux vaut s’y atteler en été, quand on a encore l’esprit alerte.

La musique. Les bénéfices d’écouter Miossec ou Barbara quand on est tout gris sont très discutables (mais je les aime tellement), mais la musique c’est plus que ça. C’est aussi plus vif, plus léger, intense, vibrant, bref, sensoriellement et cérébralement intéressant.
Jouer de la musique semble avoir un effet bœuf (lol) sur les circuits cérébraux. Mais rassurons-nous, doigts gourds, l’écouter marche aussi pas mal.
À chacun de tester les musiques qu’il aime, mais surtout qui font résonner des trucs là-haut. Moi ce qui me gratouille le cerveau c’est les chants grégoriens (oui je sais, moi aussi ça m’a beaucoup fait rire de découvrir ça), la musique klezmer, souvent des cuivres un peu vibrants/chuintants. Du classique. Oh, et l’opéra, ça aussi ça m’a surprise. Bref, c’est ma petite musique d’hiver, quand je veux me décoller un peu les dendrites.

trump-executive-order-memes-1-58919d2ad509c__605Pratiquer quelque chose de créatif, artistique ou manuel. Pas besoin d’avoir du talent pour ça, on se fout du résultat, il s’agit juste de dériver le cerveau sur une tâche à la fois libre et mécanique. Moi par exemple, mon truc c’est l’écrit, mais pour l’hiver ça reste trop « cérébral » pour mon esprit englué. Je suis nulle en dessin, mais je découvre en ce moment l’effet super déstressant  de cette activité. Faire des traits, de ci-delà, voir que des fois ça ressemble à quelque chose, s’en amuser, y mettre de la couleur pour faire joli, rien de plus. (Si ça vous semble déjà trop compliqué / décourageant, il y a plein de cahiers de coloriages pour adultes) Et ça marche pareil pour plein d’activités manuelles, je suppose, du tricot à la menuiserie. Au passage, découvrir des outils, des techniques (numériques pour ma part), et puis finalement progresser. Apprendre, c’est toujours signe que des connexions se font là-haut, ça bouge, c’est bien.

Apprendre, c’est bien. L’apprentissage des langues fait particulièrement bien pétiller les neurones. Ça tombe bien j’adore ça (même si c’est pour oublier très vite après). Mais encore une fois, avec un cerveau boîteux, au plus bas de l’hiver, difficile de se concentrer.

Alors jouer ? Je peux tomber assez vite accro à des jeux mécaniques comme Candy Crush, les puzzles. Ou le hanjie, quelle drogue. Ça fait sûrement un truc à mon cerveau. Un peu trop à mon goût, j’aime pas ce côté hypnotique bouffe-temps. En ce moment je joue un peu (trop) compulsivement aux échecs. Je suis curieuse de voir comment j’y arriverai en hiver, mais peut-être que ce mélange entre automatismes et réflexion logique peut entrer dans ma fenêtre d’action. Et être reposant tout en restant un peu plus intelligent, stimulant.

Vous me pardonnerez j’espère, de passer rapidement sur les bienfaits cérébraux du sport. J’en suis convaincue, et j’aurais grande envie de courir, me défouler physiquement dans ces moments-là. Faites-le donc et dehors, histoire de prendre de la lumière plein les mirettes au passage.

Ah, puisqu’on parle de décharge par le corps, je dois vous avouer que, oui, je me suis documentée sur les effets concrets de l’orgasme sur le cerveau. Évidemment, qu’on a pas besoin de prétexte pour ça. Mais savoir ce shoot de dopamine, ocytocine, endorphines, sérotonine rajoute un peu de plaisir intellectuel au plaisir des sens. On ne se refait pas. C’est pas futile, c’est pour notre bien !

Sans aller jusque là, le cerveau réagit aussi très bien aux bisous, aux « hugs », simples câlins avec un humain ou un animal, ou aux massages.
Le problème pour tout ça, c’est que ça implique un contact humain, une tension sociale qu’on a pas forcément la force de gérer. Alors si vous avez un humain proche disposé à partager ce genre de moments avec vous sans avoir une montagne d’efforts sociaux à déployer, profitez-en.
Sinon, caressez votre chat ou votre chatte, ça marche aussi très bien.
(Je vous avais bien dit que ça serait mieux que doctissimo.)

Et si tout ça c’était du bullshit, si tout ça ne modifiait rien dans le cerveau mais n’était qu’effet placebo ? Et bien c’est parfait puisque l’effet placebo lui-même EST physiquement mesurable et capable de modifier la chimie du cerveau ! 😀
Cherchez pas, j’ai pensé à tout.

Pour le moindre, infime % d’amélioration, ça aura valu le coup. Parce que tout est bon à prendre et puis il faut reconnaître que le protocole est bien doux à suivre.

Allez, toi, bon hiver.  Ça va aller, ça reviendra.

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Hiver et damnation 3 : accepter les vagues

1) Surfer les vagues

Pour bien faire face, apprendre à connaître son ennemi. S’en faire un ami ? Ne poussons pas bonne-maman dans les orties. Mais accepter, proposer un deal, collaborer, oui c’est une des clés. Il m’aura fallu quelques années de dépression saisonnière avant de la reconnaître, et encore quelques autres pour apprendre ses pas de danse. Ses vagues. Identifier les cycles et onduler sur cette partition.

  • Il y a ce cycle des saisons, évident. L’été je pulse, l’hiver je ronronne. J’ai deux modes de fonctionnement, j’ai fini par l’accepter.
  • Il y a le rythme aléatoire de la météo. La course croisée des anticyclones et dépressions (quel est le génie qui a appelé ça comme ça ?) qui vient moduler la lumière du ciel.
  • Il y a le cycle des journées hivernales, que j’ai mis bien plus longtemps à identifier. Le matin, le soleil se lève et souvent j’y crois , je suis un peu plus légère, aujourd’hui ça va aller. Et puis en milieu de journée, coup de barre derrière la tête, idée noires, je n’y arriverai jamais. C’est pas systématique, mais ce schéma est assez récurrent. (Dans les dépressions autres, il semble que ça soit plutôt l’inverse, matins difficiles, soirs un peu mieux.)
  • Comme j’ai la félicité d’être dotée d’un utérus, fertile semble-t-il, je relance de 3 jours sombres de SPM tous les 24 jours. Oui, je suis tellement pressée de recommencer qu’en plus j’ai des cycles bien courts. #TMI
  • Faudrait que je regarde si la lune ne vient pas encore compliquer ça (non je déconne).

Positif : il y a un cycle « vie » aussi. quand j’ai eu l’impression que mes hivers étaient de plus en plus durs et que j’allais en crever, ça m’a fait un bien fou d’apprendre que si le SAD était plus présent entre 20 et 40 ans, c’est qu’il peut s’atténuer avec l’âge ! \o/ (C’est pas garanti, mais si ça peut faire une lumière de plus en bout de tunnel, accrochons-nous à ça.)

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Pour mon sale caractère présomptueux qui ne supporte pas de ne pas tout maîtriser au compas, ça n’a pas été une petite chose de lâcher les rênes et d’accepter de regarder l’onde faire son chemin.

Mais c’est tellement mieux.

J’ai arrêté de lutter, de m’en vouloir. Je fais tout ce que je peux, je ne peux pas tout. Hé ouais.

J’ai accepté d’être presque deux personnes différentes, gamine intrépide et (presque) sociable en été, matou mi-ronronnant mi-hérissé en hiver. Ça va passer, ça reviendra. Le printemps revient toujours. C’est long et c’est dur (#CMB), mais j’ai la chance que ça soit un tunnel, pas un gouffre. Je serre les dents et j’arrache mon éphéméride. Chaque jour passé est un jour plus proche du printemps.
Je pense fort aux dépressifs d’autre poil, qui n’ont pas cette certitude à l’horizon pour tenir.

Alors je m’organise, autant que possible. Je suis plus douce avec moi l’hiver. (Parce qu’en été faut pas rêver pépette, coup de pied au cul si t’es pas à la hauteur) (Un jour je serai douce avec moi en été aussi. Peut-être.) Je ne me force plus, la violence ne résout rien, elle m’enfonce, elle m’épuise. Je diffère au printemps ce qui me demande de l’énergie.

Je n’ai pas de travail qui m’oblige à une tension permanente, je ne sais pas comment je pourrais m’organiser… Je module mes activités sur les saisons.
J’ai quand même évidemment mon lot d’impondérables, le handicap à gérer, les dossiers de financement, cinq salariés à manager (à chaque fois que je me relis, je vois “manger” et je meurs de rire, je suis tellement bon public), les papiers, les remplacements, les démissions et recrutements énergivores qui ne tombent pas toujours au bon moment (coucou la démission surprise du matin de noël), la présence d’un humain constamment à mes côtés. Alors si je veux pouvoir gérer ça, je me fiche la paix sur le reste. Un peu la théorie des cuillères souvent citée chez les autistes ou malades chroniques.

J’ai arrêté de prendre chaque soirée difficile comme un échec renouvelé. Ça durera quelques heures, et il y a des chances que demain matin, ça aille à nouveau mieux. Quand ça va mieux, même une heure ou deux, je ne fais pas que jubiler, j’en profite pour gérer vite vite les impondérables. Faire un courrier, passer un coup de fil, faire des courses, m’occuper de moi, écrire. Si l’éclaircie se poursuit, je prends le temps de jubiler en me tapotant le ventre de satisfaction (non?). Et si elle est de courte durée, tant pis. Au moins la journée n’aura pas été vaine. Il ne faut surtout pas laisser les petites culpabilités s’entasser, c’est paralysant et c’est le cercle vicieux.

Quand le crépuscule me submerge, à 12 ou à 20h, qu’importe, je passe en mode économie d’énergie. Je vais me répéter, j’en suis encore tellement émerveillée mais : sans culpabiliser. \o/

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Je vais regarder des séries, films, écouter de la musique ou dessiner. Mettre mon cerveau au repos. Si le téléphone sonne et que je ne le sens pas, tant pis. Si on me sollicite, j’ai le choix. Je répondrai demain matin, peut-être. Si je devais sortir et que je n’en ai pas la force, j’annule. Juste parce que c’est l’hiver, c’est comme ça ouais. Si je ne fais pas de courses et que je me commande quelque chose à manger, c’est parfait (Je suis douce avec moi t’as vu, je m’offre même des sushis quand ça va pas, je crois que je suis ma femme idéale).

Il y a quelques tâches intermédiaires que je peux quand même faire dans ces moments-là : des choses mécaniques de tri. Souvent la fatigue me fait ranger. C’est bête mais ça me demande une énergie cérébrale minimale, et j’ai l’impression d’avoir fait quelque chose de tangible quand même, qu’il fallait faire, qui restera. Ça me fait même du bien. Il faut trouver des moyens de négocier entre besoins et possibilités, sans violence.

Alors les jours de SPM ou de pleine lune (je déconne, j’ai dit ), pareil.
Et si la vie s’amuse à te coller en plus un deuil ou un chagrin d’amour (en hiver, quelle garce), et bien tu sais que là aussi, il y a une dimension temporelle à accepter. Ça prendra du temps pour aller mieux, c’est comme ça, ne lutte pas, suis la vague et regarde le paysage.

Si tu n’y arrives pas, je préconise : méditation + remède à la mélancolie, qui rendent le sombre tellement plus doux. <3

2) Conseil en phase test : anticiper. Baliser plutôt que baliser. 

J’ai donc appris à suivre les vagues, c’est une jolie victoire. Cette année j’ai envie d’upgrader mes compétences et tenter l’anticipation. Parce que vu de loin, l’hiver ressemble quand même à une énorme vague noire, informe et, ouais, un peu effrayante quand même. Alors j’essaye de la décomposer, et baliser le chemin de lumignons.
Parce qu’une fois sous l’eau, c’est difficile de les rechercher, de mettre en place, d’organiser, de contacter, de demander.
Je balise de bouées diverses. Les garder à vue, le haut des vagues.

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Je réserve des concerts. Si j’attends le dernier moment, je n’aurai pas la force. Si j’ai déjà le billet en poche, ça me fera sûrement du bien. Je fais un relevé scrupuleux des offres culturelles, je truffe mon agenda de possibilités. Je liste les films et séries à regarder. On verra si, le moment venu, ça m’aide à en avoir envie. Je prémâche le travail, je me donne la becquée.

Je prévois de voir les gens qui font du bien, ceux qui me rechargent. Je prévois des voyages, j’espère ne pas me tromper, j’espère que je n’y perdrai pas plus d’énergie que je ne prendrai.

Je fais des listes, de toutes petites choses (ou gens) qui font du bien. Parce que les listes, c’est la vie. Et parce qu’au creux de l’hiver, je n’ai plus assez d’imagination pour les trouver ou m’en souvenir.

Je désamorce les épreuves : les « fêtes » de fin d’année me ruinent souvent. Je dois prévoir dès maintenant, cadeaux compris, ça enlèvera peut-être un peu de pression. (Je ne sais pas encore ce que je fais pour nouvel an, tu as quelque chose à me proposer ? Je voudrais juste pouvoir classer ce dossier rapidement, merci.)

Garder le solstice d’hiver comme un phare, toujours. Ne pas se dire qu’au 21 décembre, les jours sont plus courts et plus rudes que jamais, se dire qu’à partir de là, on inverse la tendance, les jours rallongent, on va vers le bleu. Ça n’a l’air de rien mais ça donne une échéance plus proche que “la fin de l’hiver”, ça balise, ça structure.

Je cherche des rituels qui me feront aimer l’hiver. Ceux qui existent ne me conviennent pas ? (Noël & cie) Je vais en trouver d’autres, ou en créer. Associer chaque mois à quelque chose que je ne fais pas le reste de l’année (ou pas de la même façon). Décomposer. Un mois pour un défi dessin, un mois pour écrire, en décembre me concocter un genre de calendrier de l’avent, janvier écrire des lettres, sous prétexte de vœux, etc.

Manger de saison toujours (sauf pour la raclette qui a évidemment 4 saisons, un peu comme la pizza), pour pouvoir se réjouir du retour de tel légume ou plat d’hiver.

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Je prends des notes : si je réussis le défi de cet hiver, reprendre le schéma l’an prochain. Je n’aurai plus qu’à dérouler, économie d’énergie. On en reparle dans quelques mois.

Puisque je suis presque deux personnes différentes, autant s’entraider. Je laisse mon Moi d’été prendre soin de mon Moi d’hiver.
Je rêve d’une box « Dépression saisonnière » qui m’enverrait du réconfort tout l’hiver, de façon adaptée et régulière. (Vous avez aussi le droit vous en charger, hein)
En attendant on se tient debout avec quelques copains branlants de l’hiver, en haut des vagues comme en bas, c’est toujours mieux de ne pas être complètement tout seul.

Et si ça ne suffit pas, il reste encore quelques béquilles à exploiter. #Teasing

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Hiver et damnation 2 : Que la lumière soigne

L’hiver nous prive de lumière ? On va pas se laisser faire, on riposte.

1) Évidemment, la luminothérapie. 

Ma lampe alliée, depuis 6 ans, c’est une Lumie bright spark 3. Achetée 150€, c’est un budget malheureusement, et son prix n’a pas baissé depuis. Mais je n’ai aucun regret, elle et moi c’est du love pour la vie. Beurer semble faire du bon matos aussi, et avec des prix un peu moindres. (Et puis ça se trouve très bien d’occasion) J’ai moins confiance dans des grosses marques comme Philips, qui me semblent plus consommation de masse que dispositif médical, mais c’est peut-être un a priori non-fondé.

Critères de choix :

  • Le nombre de lux envoyés à une distance correcte. parce que « 1 million de lux à 5cm » c’est joli mais c’est pas raisonnable comme indication. La mienne en pulse 10 000 à 20cm, c’est pas mal. (Je l’utilise à 30cm, donc un peu moins, on ajuste le temps d’exposition)
  • Qu’elle soit certifiée norme CE médicale me semble plus prudent.
  • L’ergonomie, la taille du bouzin, parce que c’est quand même souvent assez mastoc. La mienne fait 40cm de haut, elle est « petite »… Réfléchissez à l’utilisation que vous allez en faire, si vous pensez que vous aurez besoin de la déplacer. Et faites du vide sur votre bureau. :-/ (Alternative : des « luminettes », mais j’ai pas confiance, on est là pour se soigner, pas pour acheter le dernier gadget à gogo) (si vous les avez achetées, je ne dis pas que vous êtes un gogo, et je serais curieuse d’avoir votre retour, mais c’est juste que ce subtil jeu de mots m’aguichait tellement) (Je propose au passage la réhabilitation de l’expression mignonne « gogo », dérivé de nigaud. Lui même faisant référence à Nicodème, disciple naïf de Jésus mais je m’égare, non?)
  • Lumière bleue ou blanche ? La lumière blanche a fait ses preuve. Les appareils à lumière bleue, plus récents, serait efficaces, plus compacts, mais dangereux pour les yeux. (et on les trouve beaucoup chez Philips #JDCJDR…)
  • Ampoules : MEGA WARNING : ça doit se changer régulièrement ! C’est une information qu’on trouve très peu, mais qui me semble capitale : Au bout d’environ 500h d’utilisation, les ampoules perdent leur efficacité. Le piège c’est que ça ne se voit pas, elles éclairent toujours autant. Mais il semble que l’usure leur fait perdre la longueur d’onde qui « soigne ». Mon expérience semble bien confirmer ça. Si vous pensez que la lumino ne marche pas/plus sur vous, ça vaut le coup de tenter. D’autant plus si vous avez acheté votre lampe d’occasion, et que vous ne savez pas combien d’heures elle a déjà tourné.

Comment l’utiliser :

De septembre/octobre (selon la météo) à IMG_20170mars/avril (selon la rudesse du SAD de l’année).

Même en été, si le ciel et l’humeur se font maussades un peu trop longtemps, il m’arrive de la remettre en service quelques jours, bienvenue en Lorraine.

Je l’allume chaque matin environ 1h (En fait, souvent plus parce que je ne vois pas le temps passer).
Éviter l’après-midi (sauf si vous l’utilisez pour recaler un jetlag), c’est excitant, ça empêche de dormir, et après on est fatigué et grognon, c’est pas le but. Un peu excessive et intenable d’impatience d’aller mieux TOUT DE SUITE, je me suis laissée tenter par l’idée (mauvaise) de la laisser allumer toute la journée, ou au moins plusieurs heures. Alors oui, ça sort assez vite de la léthargie. Mais on passe assez vite de « ça excite » (légère et douce euphorie), à ÇA ÉNERVE PUTAIN ! Là encore, c’est un poil contre-productif.
Ça semble important de miser sur la régularité des horaires.

Ma lampe est posée sur mon bureau, à environ 30cm de mes yeux (cf puissance/distance). Pendant qu’elle me soigne, je ne la regarde évidemment pas dans le blanc des néons (c’est même déconseillé, ça pique.), mais votre idole déjeune, regarde une série, raconte des bêtises sur les interwebs.

Certains trouvent cette lumière agréable, apaisante. Moi franchement non, pas du tout, je trouve ça plutôt aveuglant et froid. Mais c’est pas non plus une torture, un tout petit mal pour un grand bien.

Et puis j’ai découvert qu’il existait des ampoules lumino de différentes températures ! Depuis que j’ai pris une lumière plus chaude, c’est effectivement moins violent.

Morning 2

Contre-indications : Il y a normalement très peu d’effets secondaires (maux de tête ou sécheresse occulaire, pour moi rien de tout ça) mais la lumino est déconseillée en cas de trouble bipolaire ou maladies de la rétine. Troubles psys ou occulaires de façon générale, renseignez-vous, ne prenez pas de risque.

Et ça marche ?

Oui (é)clairement. En 3 jours je me sens plus viv(r)e déjà. Et j’ai un bien meilleur sommeil. Alors forcément, le moral suit assez rapidement et je me sens plus guillerette. (En demi-saison au moins. Au coeur de l’hiver je suis quelques crans plus bas que « guillerette », mais sans ça je pense que j’approcherais les 6 pieds sous terre, donc gratitude.)

2) On maximise la lumière naturelle

Degré de luminosité environ
Journée d’été ensoleillée : de 50 000 à 130 000 lux
Journée d’hiver ensoleillée : de 2 000 à 20 000 lux
Bonne lampe de lumino : 5 000 à 10 000 lux
À l’intérieur d’une maison : de 100 à 500 lux
Dans un bureau bien éclairé : de 400 à 1 000 lux

J’aurais dû le mettre en premier tellement c’est mieux, plus sain, plus efficace, et gratuit. Mais moi j’ai pas l’impression d’avoir beaucoup de marge de manœuvre là-dessus, à cause du climat (lorrain) et de mon immobilité (je supporte mal le froid, et les circuits imprimés de mon fauteuil goûtent assez peu les gouttes).

Sortez chaque fois que vous le pouvez, vraiment. Je chéris ma terrasse ensoleillée et abritée, je m’emmitoufle (image de moi, enrubannée de mitoufles) et vais y boire mon café chaque fois qu’un rayon de soleil le permet. (Mais la Lorraine, je répète…)

Si vous pouvez bouger, marcher, pédaler, bref vous réchauffer, évidemment faites-le, quotidiennement ça vaut n’importe quelle lampe. (Non mais par « pédaler » je pensais au VELO, moi, descends de ce pédalo il fait moins quinze, nigaud, tu vas attraper la mort ! /o\ )

En intérieur, maximisez aussi la lumière du jour (la lumière artificielle ne sert à RIEN côté humeur, pas la peine d’allumer 12 lampes) => Mettez votre bureau devant la fenêtre, peignez vos murs en blanc, épurez la déco, utilisez des miroirs pour renvoyer la lumière. Si vous faites des travaux, agrandissez vos fenêtres, prévoyez une lumineuse véranda, et une chambre d’amis, je viens habiter chez vous (en toute amitié. <3)

Rayon

Ah, et puis il y a déjà assez peu d’heures de «lumière du jour » dans un jour, alors on essaye de ne pas se lever après le soleil. On essaye hein, on fait ce qu’on peut.

À ce propos si tu as le réveil difficile, il existe le simulateur d’aube, qui paraît-il est très bien. Moi j’ai jamais testé parce que 1) Je me réveille déjà assez facilement, sans réveil, à une heure régulière et raisonnable 2) J’ai du mal à saisir comment ce truc qui éclaire plus faiblement que ma précieuse lampe pourrait être aussi efficace (surtout de loin les yeux fermés huhu), mais pour remplacer un réveil, oui, ça se tente.

Bref, on cherche un peu de lumière et tout s’éclaire.

Et si ça ne suffit pas, dans le prochain épisode on apprend à surfer.

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