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Hiver et damnation 3 : accepter les vagues

1) Surfer les vagues

Pour bien faire face, apprendre à connaître son ennemi. S’en faire un ami ? Ne poussons pas bonne-maman dans les orties. Mais accepter, proposer un deal, collaborer, oui c’est une des clés. Il m’aura fallu quelques années de dépression saisonnière avant de la reconnaître, et encore quelques autres pour apprendre ses pas de danse. Ses vagues. Identifier les cycles et onduler sur cette partition.

  • Il y a ce cycle des saisons, évident. L’été je pulse, l’hiver je ronronne. J’ai deux modes de fonctionnement, j’ai fini par l’accepter.
  • Il y a le rythme aléatoire de la météo. La course croisée des anticyclones et dépressions (quel est le génie qui a appelé ça comme ça ?) qui vient moduler la lumière du ciel.
  • Il y a le cycle des journées hivernales, que j’ai mis bien plus longtemps à identifier. Le matin, le soleil se lève et souvent j’y crois , je suis un peu plus légère, aujourd’hui ça va aller. Et puis en milieu de journée, coup de barre derrière la tête, idée noires, je n’y arriverai jamais. C’est pas systématique, mais ce schéma est assez récurrent. (Dans les dépressions autres, il semble que ça soit plutôt l’inverse, matins difficiles, soirs un peu mieux.)
  • Comme j’ai la félicité d’être dotée d’un utérus, fertile semble-t-il, je relance de 3 jours sombres de SPM tous les 24 jours. Oui, je suis tellement pressée de recommencer qu’en plus j’ai des cycles bien courts. #TMI
  • Faudrait que je regarde si la lune ne vient pas encore compliquer ça (non je déconne).

Positif : il y a un cycle « vie » aussi. quand j’ai eu l’impression que mes hivers étaient de plus en plus durs et que j’allais en crever, ça m’a fait un bien fou d’apprendre que si le SAD était plus présent entre 20 et 40 ans, c’est qu’il peut s’atténuer avec l’âge ! \o/ (C’est pas garanti, mais si ça peut faire une lumière de plus en bout de tunnel, accrochons-nous à ça.)

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Pour mon sale caractère présomptueux qui ne supporte pas de ne pas tout maîtriser au compas, ça n’a pas été une petite chose de lâcher les rênes et d’accepter de regarder l’onde faire son chemin.

Mais c’est tellement mieux.

J’ai arrêté de lutter, de m’en vouloir. Je fais tout ce que je peux, je ne peux pas tout. Hé ouais.

J’ai accepté d’être presque deux personnes différentes, gamine intrépide et (presque) sociable en été, matou mi-ronronnant mi-hérissé en hiver. Ça va passer, ça reviendra. Le printemps revient toujours. C’est long et c’est dur (#CMB), mais j’ai la chance que ça soit un tunnel, pas un gouffre. Je serre les dents et j’arrache mon éphéméride. Chaque jour passé est un jour plus proche du printemps.
Je pense fort aux dépressifs d’autre poil, qui n’ont pas cette certitude à l’horizon pour tenir.

Alors je m’organise, autant que possible. Je suis plus douce avec moi l’hiver. (Parce qu’en été faut pas rêver pépette, coup de pied au cul si t’es pas à la hauteur) (Un jour je serai douce avec moi en été aussi. Peut-être.) Je ne me force plus, la violence ne résout rien, elle m’enfonce, elle m’épuise. Je diffère au printemps ce qui me demande de l’énergie.

Je n’ai pas de travail qui m’oblige à une tension permanente, je ne sais pas comment je pourrais m’organiser… Je module mes activités sur les saisons.
J’ai quand même évidemment mon lot d’impondérables, le handicap à gérer, les dossiers de financement, cinq salariés à manager (à chaque fois que je me relis, je vois “manger” et je meurs de rire, je suis tellement bon public), les papiers, les remplacements, les démissions et recrutements énergivores qui ne tombent pas toujours au bon moment (coucou la démission surprise du matin de noël), la présence d’un humain constamment à mes côtés. Alors si je veux pouvoir gérer ça, je me fiche la paix sur le reste. Un peu la théorie des cuillères souvent citée chez les autistes ou malades chroniques.

J’ai arrêté de prendre chaque soirée difficile comme un échec renouvelé. Ça durera quelques heures, et il y a des chances que demain matin, ça aille à nouveau mieux. Quand ça va mieux, même une heure ou deux, je ne fais pas que jubiler, j’en profite pour gérer vite vite les impondérables. Faire un courrier, passer un coup de fil, faire des courses, m’occuper de moi, écrire. Si l’éclaircie se poursuit, je prends le temps de jubiler en me tapotant le ventre de satisfaction (non?). Et si elle est de courte durée, tant pis. Au moins la journée n’aura pas été vaine. Il ne faut surtout pas laisser les petites culpabilités s’entasser, c’est paralysant et c’est le cercle vicieux.

Quand le crépuscule me submerge, à 12 ou à 20h, qu’importe, je passe en mode économie d’énergie. Je vais me répéter, j’en suis encore tellement émerveillée mais : sans culpabiliser. \o/

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Je vais regarder des séries, films, écouter de la musique ou dessiner. Mettre mon cerveau au repos. Si le téléphone sonne et que je ne le sens pas, tant pis. Si on me sollicite, j’ai le choix. Je répondrai demain matin, peut-être. Si je devais sortir et que je n’en ai pas la force, j’annule. Juste parce que c’est l’hiver, c’est comme ça ouais. Si je ne fais pas de courses et que je me commande quelque chose à manger, c’est parfait (Je suis douce avec moi t’as vu, je m’offre même des sushis quand ça va pas, je crois que je suis ma femme idéale).

Il y a quelques tâches intermédiaires que je peux quand même faire dans ces moments-là : des choses mécaniques de tri. Souvent la fatigue me fait ranger. C’est bête mais ça me demande une énergie cérébrale minimale, et j’ai l’impression d’avoir fait quelque chose de tangible quand même, qu’il fallait faire, qui restera. Ça me fait même du bien. Il faut trouver des moyens de négocier entre besoins et possibilités, sans violence.

Alors les jours de SPM ou de pleine lune (je déconne, j’ai dit ), pareil.
Et si la vie s’amuse à te coller en plus un deuil ou un chagrin d’amour (en hiver, quelle garce), et bien tu sais que là aussi, il y a une dimension temporelle à accepter. Ça prendra du temps pour aller mieux, c’est comme ça, ne lutte pas, suis la vague et regarde le paysage.

Si tu n’y arrives pas, je préconise : méditation + remède à la mélancolie, qui rendent le sombre tellement plus doux. <3

2) Conseil en phase test : anticiper. Baliser plutôt que baliser. 

J’ai donc appris à suivre les vagues, c’est une jolie victoire. Cette année j’ai envie d’upgrader mes compétences et tenter l’anticipation. Parce que vu de loin, l’hiver ressemble quand même à une énorme vague noire, informe et, ouais, un peu effrayante quand même. Alors j’essaye de la décomposer, et baliser le chemin de lumignons.
Parce qu’une fois sous l’eau, c’est difficile de les rechercher, de mettre en place, d’organiser, de contacter, de demander.
Je balise de bouées diverses. Les garder à vue, le haut des vagues.

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Je réserve des concerts. Si j’attends le dernier moment, je n’aurai pas la force. Si j’ai déjà le billet en poche, ça me fera sûrement du bien. Je fais un relevé scrupuleux des offres culturelles, je truffe mon agenda de possibilités. Je liste les films et séries à regarder. On verra si, le moment venu, ça m’aide à en avoir envie. Je prémâche le travail, je me donne la becquée.

Je prévois de voir les gens qui font du bien, ceux qui me rechargent. Je prévois des voyages, j’espère ne pas me tromper, j’espère que je n’y perdrai pas plus d’énergie que je ne prendrai.

Je fais des listes, de toutes petites choses (ou gens) qui font du bien. Parce que les listes, c’est la vie. Et parce qu’au creux de l’hiver, je n’ai plus assez d’imagination pour les trouver ou m’en souvenir.

Je désamorce les épreuves : les « fêtes » de fin d’année me ruinent souvent. Je dois prévoir dès maintenant, cadeaux compris, ça enlèvera peut-être un peu de pression. (Je ne sais pas encore ce que je fais pour nouvel an, tu as quelque chose à me proposer ? Je voudrais juste pouvoir classer ce dossier rapidement, merci.)

Garder le solstice d’hiver comme un phare, toujours. Ne pas se dire qu’au 21 décembre, les jours sont plus courts et plus rudes que jamais, se dire qu’à partir de là, on inverse la tendance, les jours rallongent, on va vers le bleu. Ça n’a l’air de rien mais ça donne une échéance plus proche que “la fin de l’hiver”, ça balise, ça structure.

Je cherche des rituels qui me feront aimer l’hiver. Ceux qui existent ne me conviennent pas ? (Noël & cie) Je vais en trouver d’autres, ou en créer. Associer chaque mois à quelque chose que je ne fais pas le reste de l’année (ou pas de la même façon). Décomposer. Un mois pour un défi dessin, un mois pour écrire, en décembre me concocter un genre de calendrier de l’avent, janvier écrire des lettres, sous prétexte de vœux, etc.

Manger de saison toujours (sauf pour la raclette qui a évidemment 4 saisons, un peu comme la pizza), pour pouvoir se réjouir du retour de tel légume ou plat d’hiver.

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Je prends des notes : si je réussis le défi de cet hiver, reprendre le schéma l’an prochain. Je n’aurai plus qu’à dérouler, économie d’énergie. On en reparle dans quelques mois.

Puisque je suis presque deux personnes différentes, autant s’entraider. Je laisse mon Moi d’été prendre soin de mon Moi d’hiver.
Je rêve d’une box « Dépression saisonnière » qui m’enverrait du réconfort tout l’hiver, de façon adaptée et régulière. (Vous avez aussi le droit vous en charger, hein)
En attendant on se tient debout avec quelques copains branlants de l’hiver, en haut des vagues comme en bas, c’est toujours mieux de ne pas être complètement tout seul.

Et si ça ne suffit pas, il reste encore quelques béquilles à exploiter. #Teasing

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One Comment

  1. Finalement, quand on commence à accepter la réalité telle qu’elle se présente, plutôt que de vouloir qu’elle soit autre… ça commence à aller mieux !

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