Cher banquier,
Je vais bien, merci de cesser de te préoccuper pour moi. Cesse aussi de vouloir me donner ton avis sur ma gestion des choses, cesse de m’appeler tous les ans pour me rencontrer, évaluer ma situation, et me « proposer des produits ». Tous les mois je reçois 850€, tu les mets dans une boîte, ou même DTC, peu importe du moment que tu me les rends quand j’en ai besoin, par le biais de la carte bancaire que tu me fournis ET c’est tout.
Cher banquier, je ne suis pas riche. J’ai beaucoup apprécié le comique de ton speech m’incitant à mettre de côté 50€ par mois de façon automatique pour pouvoir « me faire plaisir de temps en temps, un ciné ou un resto ». Mais je t’avouerai que pour ça, ben autant les laisser sur mon compte courant, pour le courant non ? Alors dis moi, tu aurais touché quelle commission pour avoir fait autant de forcing ?
Cher banquier, je ne suis pas pauvre non plus. Oh je ne t’intéresse sûrement pas, ne te ferai pas gagner grand chose, officiellement je suis sous le seuil de pauvreté, et pourtant j’ai conscience d’être bien privilégiée par rapport à d’autres. Parce que ça m’arrive de regarder ce qui se passe hors de nos frontières, et j’ai le vertige en voyant la répartition des richesses dans le monde, et en France on a quand même le cul bordé de nouilles. Combien de voitures par ménage, combien d’écrans plats, de smartphones, de vacances par an ? Je ne sais pas d’où sortent ces 48% de Français qui se considèrent pauvres, pardon mais je crois qu’il y a du caca qui leur brouillent la vue. J’ai un toit sur ma tête. J’ai toujours de quoi manger. J’achète rarement des aliments « de marque », mais je me fait plaisir (et conscience) sur du bio de temps en temps. Pour ça, je cuisine beaucoup moi-même, j’accommode toujours les restes, j’évite le gâchis, je mange très peu de viande je profite au maximum de mon bout de jardin pour produire de la nourriture, je récupère le surplus des voisins… Zéro frustration alimentaire. Etre logée et nourrie convenablement, soignée grâce à notre système de santé, c’est ne pas être pauvre. Je pars en vacances ou week-end plusieurs fois dans l’année (souvent chez des amis), je commande des sushis au moins une fois par mois, j’invite des gens, offre des cadeaux, achète des livres, j’ai un accès sans borne à la culture avec internet. Je suis juste une piètre consommatrice. Je n’ai aucun plaisir à acheter un truc neuf, par contre, quel kiff de réparer et redonner vie à une vieillerie. Ah oui, pire encore, je revends rarement les choses dont je ne me sers plus, je les DONNE. L’antéchrist quoi.
Voilà cher banquier, on a plus grand chose d’autre à se dire. Je te souhaite de joyeuses fêtes, avec plein de clients consuméristes, capitalistes, aux dents longues, et même endettés, ça fera davantage tes affaires.
Bisous banquier !
Céline
J’aurais pu écrire cette lettre à une chose près : pour avoir longtemps bossé dans une banque même si pas en agence je sais qu’il ne s’agit pas seulement d’une histoire de toucher davantage de com. : depuis un paquet d’années celui qui n’atteint pas ses objectifs de vente non seulement gagne petitement (rien à voir avec les salaires des traders) mais en plus se fait taper sur les doigts y compris s’il explique que dans son segment de clientèle (parce que la clientèle est segmentée et donc avec 850 €/mois en l’absence d’autres ressources on est probablement dans la plupart des banques dans la case “un rendez-vous par an sauf incident”) il y a trop de Smicards et de RSA pour atteindre la vente de x % de cartes premiers, on lui répondra Mais non si vous voulez vous pouvez. Il n’est depuis longtemps plus vraiment question de fournir du service à un client.
Pour le “48% des français se trouvent pauvres, ils ont du caca dans les yeux”, je te conseille ce lien :
http://vidberg.blog.lemonde.fr/2012/12/07/lindicateur-de-richesse-ressentie/
Très éclairant 😉