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Avent jour 21 : les copains Twitter d’abord

Twitter

 

On me demande de parler de twitter, ça c’est pas dur, y a tant à en dire.

Twitter, c’est mon bistrot du coin.

C’est le bouge où tu trouves quelqu’un à peu près à toute heure du jour et de la nuit. Au début tu y vas, tu bois ton jus, tu lis le journal et tu rentres chez toi pas vraiment plus riche qu’avant. Et puis petit à petit, tu t’imprègnes des lieux, tu repères quelques habitués qui te font sourire ou t’impressionnent, tu écoutes un peu les gazouillis qui t’entourent, et tu restes de plus en plus longtemps. T’es un peu au spectacle.

Tu finis par bien les connaître, sans leur avoir parlé. Tu connais leurs petites habitudes, leurs horaires, comment ils aiment leur café, et leurs petites contrariétés qu’ils partagent haut et fort. Parfois ils n’en disent rien, mais on les entend moins, et on voit bien qu’ils regardent un peu plus le sol. Il y a le gros râleur qui prend tant de place. Il lit son journal presque à voix haute, et interpelle tous ceux qui ne seraient pas d’accord avec lui, provoque l’affrontement, il amuse la galerie. Il y a ce type un peu pédant qui pense faire un cadeau aux habitués du bistrot en les honorant de sa présence. Tout le monde chuchote dans son dos, mais il décide de ne pas les entendre. Il y a le vieux sage, dans le coin, l’oeil malicieux et la réplique cinglante. Il y a les jeunes qui se retrouvent là et se racontent leur vie, leurs amours, leurs emmerdes, comme si le monde n’existait pas autour d’eux. Il y a les petits couples qui se font et se défont. Les solitaires qui soliloquent. Les mamans qui se retrouvent et échangent trucs de couture, de cuisine ou d’éducation. Les engagés qui se réunissent pour mettre au point leurs plans…

Toi t’es là, dans le petit coin près de la porte, et tu te régales. T’observes tout ce petit monde évoluer sans trop t’investir. Tu dis bonjour quand quelqu’un rentre, tu donnes un coup de main à l’occasion, et tu provoques un peu le gros râleur pour rigoler mais tu sais bien que tu n’existes pas pour eux. En vrai, Twitter c’est des messages de 140 caractères, pas un de plus, alors comment tu veux exister avec si peu ?

Mais un jour, dans ce petit monde où chaque atome fonctionne avant tout pour lui-même, il y a une tuile. Ou un événement positif, juste un truc qui grippe le rouage. Tu passes au bar par habitude simplement, sans rien en attendre. Tu commandes d’une vodka au comptoir, et le docteur te tape dans le dos « Allez, foi et vodka ! » et trinque avec toi. La pimbêche qui ne t’a jamais souri te fait un clin d’oeil. Le vieux sage passe près de toi et te chuchote un truc sensé à l’oreille. Les amoureux prennent des nouvelles, sincèrement. Même le râleur fait des blagues pour te faire marrer.

En fait t’as rien vu venir, mais tu te rends compte que tu es entré dans leur univers de la même façon qu’ils font partie du tien. Eux aussi savent que tu prends du cappuccino le matin.

Vertige.

Et ces inconnus deviennent soudain des Putain de présence.

Et ces présences deviennent amitiés, rencontres, voyages, yeux humides, projets, Lien.

Au rendez-vous des bons copains
Y avait pas souvent de lapins
Quand l’un d’entre eux manquait a bord
C’est qu’il était mort
Oui, mais jamais, au grand jamais
Son trou dans l’eau n’se refermait
Cent ans après, coquin de sort
Il manquait encore

Published inVrac

9 Comments

  1. Mimi Mimi

    Tu me donnerai presque envie de twitter! Mais je me demande qd meme quel interet j’aurai à taper 140 caractères à propos de ce que je (ne) fais (pas) tous les jours, et quel interet vous auriez à le lire.
    Peut etre faudrait-il que j’aille voir?
    Ou alors, reprendre le clavier plus longuement sur un blog?

    • Ah c’est sûr, c’est le premier pas qui est le plus délicat. Quel intérêt a-t-on se faire des amis ? 🙂
      Le blog, oui, c’est aussi de l’expression et du partage, mais ça n’a quand même rien à voir…

  2. silken silken

    très chouette texte, plein de vérité 🙂

  3. C’est vraiment très bien écrit. Quand je lis de choses comme ça j’aime encore plus ce bar du coin. Je reviendrai par là et plus silencieusement !

    • bienvenue dans mon bistrot !
      Tu peux même revenir non silencieusement, hein… 🙂

    • Ah ben toi, tu n’y apparais même plusieurs fois ! Mais non, je parle pas de la pimbêche. Mais regarde, même Brassens pense à toi et parle de la mare ! 😉

  4. C’est tellement ça!
    Ce texte est terriblement bien écrit, c’est si juste! ♥

  5. Clot Clot

    Genial !

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