Cher téléthon
Je ne veux pas marcher. Non vraiment, je m’en tape le coquillard. Je ne suis pas fondamentalement contre l’idée de marcher, je veux dire, si tu viens un jour me dire « Ah on avait pas vu, y a un interrupteur qui est mal commuté, on appuie dessus et ça remarche », bon je dirais pourquoi pas, je suis toujours avide de nouvelles sensations, ça peut être fun. Mais sinon, franchement, SI TU SAVAIS COMME JE M’EN BATS LA RACE ! Si tu savais comme ton discours ancestral me semble loin de ma réalité.
Je ne suis pas contre la recherche, bien sûr, il en faut. Mais pour des vrais problèmes quoi. Pour permettre de vivre, surtout, et surtout sans trop de souffrance. Et il y en a, pour pas mal de maladies, j’ai la chance d’en être épargnée. Il y a aussi plein de gens qui meurent, c’est couillon ça (en même temps il faudra bien qu’on se fasse à l’idée). Jusque là, je ne souffre pas, et je ne meurs pas, je serais bien bête de me plaindre. Je sais qu’avec le temps, mes poumons feront flop-flop, alors j’aurais besoin d’aide, si d’ici là tu as trouvé un médoc pour les regonfler un peu, si j’ai besoin d’une trachéotomie, enfin prends le temps d’affiner les armes, je prendrai n’importe quel coup de main.
Mais en attendant, ça va. Enfin sauf ce fameux week-end de décembre ou Sophie Davant me rappelle que je suis paralysée, littéralement clouée sur mon fauteuil, et tellement tellement malheureuse, dans l’attente folle d’un traitement pour me rendre une vie normale.
Alors oui, c’est sûr, ma vie n’est pas tout à fait dans la norme. Et ?
Alors oui, c’est sûr je suis assise toute la journée sur mon fauteuil. Mais je te rassure, à condition d’un peu d’aide j’en sors comme je veux, je dors même dans mon lit, et avec une bonne crème, on voit à peine les traces des trous à mes poignets. Taré va.
Alors non, par contre, je ne suis pas malheureuse. Ou en tous cas pas tout le temps. Et jamais « parce que je voudrais marcher », mais qui t’a mis ça en tête ?!
Téléthon, je ça me ferait vraiment plaisir que tu changes de disque.
Déjà parce que tu attires la pitié des gens sur moi, ça pue.
Ensuite, il me semble que ton message gagnerait en pertinence si tu allais à l’essentiel.
Enfin, et surtout, parce que je vois tous ces mômes handis, élevés au téléthon, dopés à l’espoir de la guérison, qui reprennent ton discours et rêvent de marcher. Moi je préférerais profiter de cet espace de parole pour leur expliquer (ainsi qu’à pas mal de valides) que c’est pas de mettre un pied devant l’autre, qui rend les gens heureux, mais qu’en se donnant quelques chances, en faisant bouger un peu quelques vieux esprits étriqués, on peut être encore plus heureux assis que debout.
Tant que tu montreras des petits handis la larme à l’oeil devant un escalier, j’aurai mieux à faire de mon week-end. Les ascenseurs c’est pas fait pour les chiens, quoi.
Allez bisous
Céline