Je suis pas friande d’handis en général (à la rigueur, en gratin) mais hier j’ai regardé le documentaire d’Infrarouge “Sexe, Amour et Handicap”, parce qu’il y avait mes coupains Isa et Staral dedans (et qu’ils avaient mené une campagne d’intimidation terrible pour que tout le monde le regarde !). Et en fait j’ai plein de choses à en dire. Déjà, il était pas mal. Ton assez juste et libre sur un sujet trop tu. Mais je trouve le titre assez mal choisi, puisqu’il traite à 80% de la question de l’assistance sexuelle aux handis, alors que ça n’est, heureusement, qu’une des situations possibles !
Ah oui, vous pouvez le revoir ici http://www.tagtele.com/videos/voir/68433 (Isa et Staral passent tout à la fin, ils sont choupinous, mais je vous recommande de tout regarder quand même.)
Maintenant, creusons un peu.
Les assistants sexuels, je suis pour. J’aurais du mal à être contre, puisque je ne suis déjà pas opposée au principe de la prostitution, dans les cas (pas majoritaires malheureusement) ou elle est pratiquée de façon choisie et saine. Or dans le cas des assistants sexuels, ça me semble très choisi, réfléchi et sain, donc pas de cas de conscience pour moi. Je comprends qu’au niveau législatif, le problème de la prostitution soit plus délicat à encadrer, mais j’espère que ça pourra évoluer et déboucher sur quelque chose.
Parce que je pense que ça peut apporter un réel bien être à ceux qui en expriment le besoin. Par exemple pour pallier à la masturbation quand le handicap la rend impossible. Ou pour reprendre conscience, contact de son corps, dans une sensualité que les manipulations “médicales” ont tendance à étouffer. Pour des gens qui vivent hospitalisés, en centre, et ont très peu de contacts humains hormis leurs soignants, je suppose que ça peut appaiser de grandes tensions et souffrances. Le cas des couples handi-handi me laisse souvent assez perplexe (mais c’est très personnel), mais je comprends qu’une intervention extérieure soit parfois nécessaire pour vivre une sexualité, et que ça soit délicat de demander ça à d’autres personnels non prévus pour ça. (encore que…)
Maintenant, sur un point personnel c’est absolument inimaginable que j’y aie recours ! J’ai un peu réfléchi à ça, et voilà mon verdict : Notre quotidien est cerné par des PROFESSIONNELS. Des professionnels pour nous laver, nous habiller, nous nourrir. Des médecins, des kiné, des osthéos, des chirurgiens, des infirmiers… Des professionnels qui vont examiner nos cas, et déterminer quel matériel nous est adapté, combien valent nos vies, quels doivent être nos droits… Alors ma vie sexuelle a beau être désolée / désolante, je dirais qu’il en va de ma dignité de faire rempart, que ce dernier bastion de sexualité / sensualité ne soit pas remis entre les mains d’un PROFESSIONNEL. Dans le doc, ils parlent de ça comme d’un “soin”.
En plus, il me semble que la sexualité ne vaut que dans le cadre d’une relation. Je parle pas d’une relation qui mène au mariage hein, je ne suis pas contre un coup d’un soir, mais même dans ce cas pour moi c’est une relation, une attirance, une désir mutuel, un échange. Prendre du plaisir sans que l’autre ait la moindre envie d’en recevoir, ça me semble d’un chiaaaant…
Je me suis amusée à parler de ma dignité juste au dessus, parce que c’est un mot à la mode, brandi quand ça nous arrange, alors qu’il n’y a rien de plus mouvant et intime que cette histoire de dignité. Je comprends totalement que pour un autre, sa dignité passe par le droit de ressentir un orgasme, why not ? Ce paragraphe n’est donc pas à prendre comme un jugement, mais une situation unique. (comme chaque situation l’est)
Bref, je regrette un peu que doc annonce le thème “sexe amour et handicap” et se concentre autant sur l’assistance sexuelle (ce sujet nécessite effectivement d’en parler longuement, mais autant l’annoncer direct). Comme si la privation de sexualité des handicapés était une base acquise, “normale”, personne ne pose la question du pourquoi. Ben je vous la pose : pourquoi ?
Vous pouvez sans doute y répondre mieux que moi à propos des peurs que le handicap suscite, de la peur de la différence, du formatage matraqué par la société. Je pourrais aussi parler des handis, formatés par tout ça, qui ne font pas non plus ce qu’il faut, qui n’ont pas appris.
Alors débattre sur l’assistance sexuelle pour pallier à certaines solitudes sexuelles, oui. Mais surtout, sortir les handis de leur cocon, arrêter de leur mitonner des places spéciales, des écoles spéciales, des transports spéciaux, des hébergements spéciaux, des services spéciaux, qui ne font que les contraindre en marge du gros bouillon de la vie. Alors on aura peut-être moins de solitudes sexuelles à gérer.
J’aurais voulu vous montrer une vidéo de Lucie Carrasco, styliste et atteinte d’Amyotrophie spinale comme moi, invitée chez Ardisson en janvier (mais elle n’est plus dispo). Elle y racontait (entre autres) sa vie sexuelle espiègle, et quand elle a avoué ne pas avoir toujours été fidèle (elle si peu “normale” elle se paye le luxe de l’infidélité ?!), oh leurs têtes, vous auriez vu leurs têtes, c’était délicieux. Et ce genre de moments fait joliment avancer le schmilblik.
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