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Les oranges de la colère

 

En janvier j’avais rien pu écrire.

Je sais pas encore bien ce que je vais écrire.

 

Je n’ai ni peur ni colère. Faut dire que je n’ai pas allumé la télé encore, ça aide peut-être. Je n’ai pas d’images sinon celles que je m’en fais. Et elles ne sont pas jolies, ni édulcorées. Depuis 12h je vis ça avec twitter, parce que les infos y sont plus rapides, plus saines, plus intelligentes, et parce que c’est avec ces gens-là que je me sens mieux dans ces moments-là.

 

Je vois la peur, et je la comprends. J’ai tremblé un moment pour quelques uns avant de les voir émettre des signes de vie. Mais la peur ne doit pas durer. Ou bien, d’instinct de survie elle devient empêcheuse de vivre.

Je vois la colère, beaucoup, je la comprends moins. Je ne la juge pas : à chaud, c’est une émotion, ça ne se décide pas, ça débarque et on en fait ce qu’on peut. Mais à long terme, oui, je la juge et la méprise. Je ne supporte plus le cynisme de ceux qui s’y vautrent, méprisant toute autre attitude.

Sur twitter ça défile sec et ça vomit sa bile. Il y a les rageux qui souillent le monde à longueur de vie, qui saisissent l’événement comme du pain (au chocolat) béni pour récupérer le truc, buzzer, se mettre en avant, malheureusement ces gens-là sont souvent « nos » politiques. Et il y a la foule, sous le coup de la colère qui les dénonce, les conspue, les lynche… leur donnant cette visibilité qui les fait bander. Diffusant leur haine dans nos TL et nos cerveaux déjà bien suffisamment abimés par tout ça.

Bref, la colère à chaud ok, mais ne la laissez pas trop traîner, ça fait désordre.

 

Tout ça pour dire, je suis drôlement soulagée de n’éprouver ni haine, ni peur, ni colère. Ça doit tellement les emmerder en face. Je ne suis pas inconsciente, pas bisounours (en fait si, sûrement, mais comme une force, pas comme naïveté), pas détachée. Je suis triste. Hagarde. Je me sens un peu seule. Et j’ai pas vraiment dormi. Mais la colère m’est complètement étrangère. Un peu comme cette idée qui me paraît absurde d’être « en colère contre la maladie ». Hé, c’est pas une vraie personne et on y changera rien, alors ne nous résignons pas à subir nos vies, mais agissons sur ce qu’on peut modifier plutôt que de maudire l’obscurité en tapant du pied. Là c’est pareil, j’ai du mal à les voir comme des vrais gens sur qui ont peut avoir prise, du moins pas moi directement, à mon échelle. Par contre l’état général du monde qui crée leur existence, on peut essayer d’y faire quelque chose.

Je m’accroche aux messages positifs, à tenter de les répandre, c’est comme les bisous magiques, on sait bien que ça guérit rien mais c’est toujours un peu de douceur, et c’est jamais perdu, la douceur.

 

Et il y en a, beaucoup.

 

Sur twitter, pendant que les premiers râlent, crient, désespèrent, d’autres allument des lumignons en créant, dès les premières minutes de l’événement, le hashtag #PorteOuverte. « Ne restez pas dans la rue, c’est trop dangereux, j’habite rue des gentils, j’ai un lit libre et je vous ferai du thé. » « J’ai une pizza, pas de canapé mais tout le monde peut venir, on dormira par terre, c’est mieux que mourir» « Je suis pas dans le quartier mais si ça peut vous éviter de prendre des risques, venez dormir chez moi. » « Ma petite sœur est dans la rue, elle a peur, qui peut l’héberger et la rassurer ? » Twitter a sauvé des vies hier, et il en a adouci beaucoup d’autres. Et m’a collé quelques frissons.

Et puis on a ressorti le hashtag #VoyageAvecMoi, pour proposer des covoitureurs de transports en commun. Pour que tu ne fasses pas le trajet seul demain matin, si tu ne te sens pas en sécurité. On ne se protègera pas des bombes comme ça, mais on peut lutter contre l’isolement et la connerie (et de la connerie tu en prendras plein les dents si tu as le malheur d’avoir le même genre de bronzage que les terroristes, par exemple). «RER B 7h40, chevelu mais gentil. Ne reste pas tout seul si besoin, #VoyageAvecMoi”.

Et rapidement les avis de recherche s’organisent, pour être plus efficace et rassurer plus vite les proches dans l’attente.

Et puis les appels à donner son sang en masse. Tellement relayés que l’EFS est saturé, n’y allez plus, mais gardez votre sang pour y retourner la semaine prochaine, le stock sera éclusé.

Et puis ce type, ma nouvelle idole, qui a ramené un piano à queue, en vélo, pour jouer « Imagine » devant le Bataclan, puis s’en est allé. Best réaction ever.

 

Je vais pas vous dire que j’ai pas peur, mais j’ai pas peur d’eux. J’ai peur de nous, de ce qu’on va en faire, des amalgames, de la méfiance, des regards de travers. De ce qu’ils vont en faire, eux nos politiciens, serrer la vis de la sécurité jusqu’à étouffement de la moindre liberté qu’il nous restait. Peur de nous voir les remercier pour ça. Mais ça c’est pas une angoisse informe, c’est la peur d’un truc concret qu’on peut combattre. Alors combattons. Armons nous sans relâche de nos intelligences et de nos coeurs. Et d’art. Réalisons de grandes choses, peut-être, mais ne négligeons surtout pas les toutes petites. Et plantons des orangers aussi.

 

Bon, je sais toujours pas si j’ai écrit ce que je voulais dire, j’aurais peut-être dû attendre d’avoir une bonne nuit de sommeil dans les pattes.

Je sais plus si je l’ai dit mais je vous aime.

Presque tous. ^^

On va continuer à se marrer, qu’est-ce que tu croyais.

 

 

Published inVrac

3 Comments

  1. Vanessa Vanessa

    Juste exactement ce que je ressens sans réussir à le formuler…

  2. Cleanettte Cleanettte

    Oui on va continuer à vivre et à se marrer. Je suis sur qu’ils sont déjà bien trop content de l’importance que tout le monde leur a accordé. Moi aussi j’ai très peur avant tout des conséquences chez nos concitoyens et nos politiques.

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