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Mois : août 2013

Sans les mains ! (Dasher)

Encooore un article ? Oh noooon !

Mais c’est qu’il faut que je vous parle de cette révolution technique que je suis en train de vivre. Et il faut que je la partage, s’il y a quelques manchots dans le coin, je ne peux pas garder l’info pour moi.

Si vous êtes doté de deux mains valides (pardon mais quelle affligeante banalité), Retenez juste que j’ai trouvé un super logiciel pour écrire sans le clavier, donc sans me fatiguer, et réjouissez vous pour moi, la suite parlera technique, vous avez quartier libre.

Rappel des événements : ma maladie rend mes muscles faibles (à divers degrés, genre guiboles zéro) et rapidement fatigables. Au niveau des mains, j’ai eu la chance de conserver une mobilité suffisante assez longtemps.
En 2011, phase de grosse fatigue, je perds plus ou moins une main, l’usage du clavier devient compliqué. Alors je me mets à la dictée vocale (Dragon Dictate). Ah oui, ça marche pas mal, mieux que j’avais imaginé alors j’applaudis des deux mains. Enfin une surtout si vous avez suivi. Mais aujourd’hui, pour être honnête, le micro est plein de poussière. Je n’aime pas la dictée vocale. Déjà il faut m’installer le micro, et puis fermer la porte si je ne veux pas que toute la maisonnée entende ce que j’écris, et il ne faut pas un bruit de fond trop fort (télé, musique ou même radiateur). Et surtout, surtout, il faut dicter des mots bien académiques sur un ton bien morne, avec les virgules et tout, ce qui ne correspond pas du tout à mon style d’écriture.
Alors j’ai repoussé les limites de mes petits doigts et j’ai continué à taper, moins bien, moins longtemps, en économisant un peu mes mots.

Et alors ?..
Et alors ?…

Dasher est arrivé-é-ééé !
Sans se presser, puisque ce petit logiciel a existé au moins 6 ans avant que j’en ai connaissance, grmbl !
Au premier coup d’oeil, c’est super moche. Oui, au deuxième aussi d’ailleurs.
Au premier coup d’oeil ça semble bizarre, tordu, inutilisable. Ça m’a pris 1h d’utilisation pour me dire que ah ouais, quand même, peut-être, avec un peu d’entraînement ça pouvait devenir éventuellement intéressant.

Comment ça marche ?
Dasher fait défiler des lettres, selon un petit algorithme vachement bien foutu, on a qu’à orienter le pointeur vers la lettre souhaitée, sans cliquer. Dasher prédit alors la suite, et il suffit de s’orienter parmi les possibilités. Pour corriger, facile on revient en arrière. Et bien sûr, plus on écrit, plus dasher vous propose les bons mots. Dasher apprend donc facilement aussi les combinaisons de smileys ou autres fantaisies orthographiques.

Pour commencer on peut régler la vitesse tout doux, et rapidement on réussit à accélérer. La clé c’est de comprendre que c’est l’imbrication des boîtes qui compte, pas le chemin parcouru, donc on peut survoler une zone sans conséquence (au début je longeais consciencieusement les lignes pour ne pas dépasser, en fait on s’en fout). Du coup avec le temps l’oeil reste fixé toujours à droite de l’écran, à prédire 4-5 lettres plus loin, ce qui limite pas mal l’effet “mal de mer” du début ! 🙂

J’utilise ce petit bijou depuis 5 jours, j’en suis à 16 mots / minute, ce qui est déjà correct, et je m’améliore encore. Au clavier je peux taper jusqu’à 25 mots / minute, mais en fatigant super vite, donc c’est carrément tout bénef !

Le seul défaut de Dasher c’est qu’il ne permet pas d’écrire directement dans les autres applications, il faut copier / coller. Hier j’ai découvert qu’en fait si, il suffisait de cocher une case dans les réglages, j’ai failli en pleurer de joie. (La fonction : copy all on stop est bien pratique aussi) (Et ça marche dans toutes les langues, même en russe! o/)

J’ai retrouvé le plaisir d’écrire sans mesurer ma fatigue, les textes fleuves, blablas inutiles et formules alambiquées merci Dasher ! o/

http://www.inference.phy.cam.ac.uk/dasher/

EDIT 26/04/16 :

J’en suis toujours fana, je n’utilise que ça pour écrire. Problème, depuis 2010 il n’est plus développé et marche de moins en moins bien avec les OS récents.

Au désespoir j’envisage même apprendre à coder pour le réparer moi-même. Mais n’y connaissant RIEN, ça me promet beaucoup de larmes et de sang.

L’autre jour le Muscardin me dit “Tiens j’ai vu que le créateur de ton Dasher est mort la semaine dernière, bêtement (un cancer, c’est toujours idiot un cancer). Oh ben tiens, t’as vu qu’une nouvelle beta vient de sortir ?” WHAT?!

Alors pour l’instant la version beta ne marche pas mieux chez moi, mais des gens y travaillent et ça me rend dingue de joie. Je n’y connais tellement rien que je n’ose même pas les contacter, mais si certains se sentent de donner un coup de main, c’est par là-bas que ça se passe : https://github.com/ipomoena/dasher/releases

(Faites moi signe si besoin)

4 Comments

Ce que l'auxiliaire de vie n'est pas

Mathilde m’a montré cette vidéo sur le métier d’auxiliaire de vie en fulminant. Je l’ai regardée et j’ai ri, j’ai tellement ri que je l’ai regardée trois fois de suite ! Tous ces clichés concentrés en seulement 1mn30, c’était fascinant, j’ai préféré en rire. Mathilde, non. Je veux bien comprendre, il y a certains jours où ça me ferait rire beaucoup plus jaune, et mes auxiliaires aussi. Alors Mathilde m’a fait promettre d’en faire un article, et me voilà.

 
Je vais commencer par vous laisser regarder ce morceau d’anthologie et je décrypte après. (Vous pouvez ricaner, mais ne le dites pas à Mathilde, ça lui ferait de la peine)

3 L’auxiliaire de vie sociale from FESP-TV Services on Vimeo.

 
 

Gros zoom sur le visage du gars, derrière des barreaux (mais libre dans sa tête, hey Diego), ils auraient pu ajouter un gros plan d’escalier que ça n’aurait pas été plus gros. Vous avez compris la fine métaphore sur la dureté de la vie avec un handicap, tel un enfermement dans son propre corps ? Oui ? Ah vous êtes des malins alors, une audience de qualité supérieure. Mais comme la vidéo s’adresse à la plèbe, elle insiste : Le gars pianote sur un ordinateur, parce que c’est bien connu, dans notre triste situation, c’est notre seule ouverture sur le monde… D’ailleurs, oh ben tiens, les grilles de sa morne vie viennent de s’ouvrir, magiiiie !

“Mickaël, 40ans, Strasbourg”. Alors je veux bien essayer de faire preuve de compassion, mais Mickaël n’a pas l’air plus handicapé que mon dentiste, ils n’ont pas du trouver de vrai handicapé, cette espèce en voie de disparition. Ils ne lui ont même pas trouvé un fauteuil à sa taille d’ailleurs, le pauvret. Bref, passons. Mickaël lève les yeux au ciel dans un soupir déchirant.

Mickaël vit dans une espèce de pièce unique hospitalière, dotée d’un lit médicalisé, d’un lève-personne, et d’une table. Ah oui, une télé aussi, la meilleure amie d’un handi, si ce n’est la seule. Son auxiliaire intervient en blouse blanche, bonjour la déprime.

C’est mon premier rayon de soleil de la journée “BONJOUR MICKAËL !”, rejoue-t-il au bord de l’extase.

Je ne peux réprimer un éclat de rire, tellement Mickaël surjoue son bonheur, mais faut avouer que je rigole beaucoup moins quand des hordes de candidats se proposent pour illuminer ma vie, me redonner le sourire, me sortir de l’isolement. Je vous jure, texto. Et mes assistants doivent aussi serrer les dents quand ils déclinent leur emploi, et qu’on les félicite, l’oeil humide, pour le dévouement dont ils font preuve. C’est bon, on peut débrancher l’auréole ?

Toujours la même voix, toujours enjouée.

Oui ça fait partie du contrat, parce que vous voyez, si demain Sophie lui dit bonjour sur un autre ton, Mickaël risque de ne pas la reconnaître ou d’être très perturbé, un handi c’est si instable.

Elle me demande comment j’ai dormi.

Oui elle est polie, c’est dingue, enfin moi aussi je demande à mes assistants comment ils vont. (et je ne suis même pas payée pour ça, l’arnaque !)

Elle me tend un verre d’eau, comme tous les matins, elle trouve que je ne bois pas assez.

PARDON, Sophie est médecin ? Elle a accès au dossier médical de Mickaël ? Elle sait mieux que lui ce qui est bon pour lui ? Qu’un auxiliaire essaye un peu de venir me dire que je mange trop gras, non mais oh!

Elle me demande si je veux bien me lever .

Pour faire plaisir à Sophie ? La tournure de la phrase me semble bizarre, ici c’est plutôt moi qui leur demande si ils veulent bien me lever, quand j’en ai envie.

Elle m’a dit qu’elle avait suivi une formation et utilise avec dextérité un matériel qui me permet de passer du lit au fauteuil et du fauteuil au lit sans aucune difficulté. Ses gestes sont précis et doux. Au début, j’avais un peu d’appréhension, maintenant je lui fait totalement confiance et je me laisse porter tranquillement.

Ce passage très détaillé est fascinant, cette confiance, cet abandon… Moi je les forme à ce matériel, ça prend environ 5mn, et on en fait pas tout un fromage. Des fois ils ont un peu d’appréhension alors je les rassure, après ils me font confiance.

Maintenant, c’est le meilleur moment de la journée ! Nous sommes installés tous les deux autour de la table et savourons le café chaud qu’elle nous a préparé.

Oui parce que froid c’est moins bon. Je suis peut-être pas marrante mais mon café chaud je le prends seule dans ma chambre à comater devant mon PC.

C’est maintenant que je prends des nouvelles, Sophie me parle de l’actualité et je sais tout !

Géniale cette Sophie, elle a aussi fait une formation revue de presse ?! Personnellement je préfère choisir des sources d’information qui correspondent mieux à mes convictions, et je ne souhaite pas savoir ce que votent mes auxiliaires ça ne me regarde pas.

 

Vous me direz peut être que je cherche la petite bête, qu’il n’y a rien de méchant dans tout ça. Certes, mais :
1. On est confronté à ce genre de clichés quotidiennement et c’est fatiguant de lutter contre cette infantilisation constante des handicapés et pour la reconnaissance du métier d’auxiliaire de vie (parce que, non, leur dire que leur métier consiste à me tenir la main gentiment n’est pas très flatteur, c’est bien plus que ça)
2. Cette vidéo concentre tellement de clichés sur seulement 1mn30 qu’il fallait saluer la performance.
3. Ce petit chef d’oeuvre émane de la fédération du service aux particuliers, et que ce genre d’organisme gagnerait à savoir un peu mieux de quoi ils parlent.

 

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