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Mois : mai 2012

Bibi sauvée des eaux

J’habite à Nancy, Essey-les-Nancy plus précisément. Petite bourgade chère à mon cœur, et généralement insignifiante aux yeux du monde, mais qui a fait les unes des médias cette semaine, pour cause de catastrophe naturelle. Jusqu’en Russie ils s’inquiétaient pour nous, ouais.

 

Lundi soir, j’ai passé une nuit épique. Moitié marrante, moitié flippante.

 

Ca commence à 22h30, je contemple avec bonheur le violent orage qui s’abat dehors, j’adore ça. C’est beau, c’est fort, c’est – Oh tiens des petites gouttes perlent sous ma fenêtre, elle fuit un peu. Elles descendent un peu les petites gouttes et – OH MERDE, y a une grosse flaque sous moi, à peu près exactement là où il y a tous mes fils d’ordi ! Bon, on éteint tout, on éponge le plus gros, on met des serviettes parce que ça coule encore… Faudrait fermer les volets pour que ça s’arrête, alors on ouvre la fenêtre, mais une vague déferle, alors on referme vite, et on re-éponge !

Et on fait pareil dans la chambre d’à côté.

1/4h plus tard, l’orage fait une petite pause, alors vite on ferme les volets. Fin de la petite aventure rigolote. Je twitte un peu, échange quelques messages sur l’anecdote et envisage d’aller me coucher quand…

« Oh merde Céline, c’est moins drôle là !!! »…

Il y avait ça dans mon entrée et ma cuisine. Oké.

Ca venait du pallier de l’immeuble. Alors on frappe aux portes des voisins, heureusement les 3 sont encore réveillés et viennent aussi de se rendre compte de la tuile. Ils essayent d’appeler les pompiers qui sont (bien sûr) injoignables.

Le parking de l’immeuble fait cuvette, la boue venant de la côte juste derrière, et la porte d’entrée du bâtiment n’est pas du tout étanche, donc notre pallier baigne. Alors on referme vite la porte, on boudine l’entrée, et on écope, on écope, on écope. Des seaux, des seaux, des seaux. On s’en sort pas mal puisque la mare ne gagne pas de terrain. Elle se remplit au fur et à mesure qu’on la vide, mais ne s’étend pas, donc on continue. D’autres voisins ont pris le parti d’ouvrir les portes, mouillé pour mouillé, et de fumer ensemble en attendant que ça passe.

Un voisin frappe, on ouvre à contre cœur (ça recoule très vite chez moi, il y aura jusqu’à 15cm sur le pallier quand même) et partage gentiment son stress avec nous « On surélève les meubles là, parce que dans 1/2h on est sous l’eau !!! »… Euh merci pour l’optimisme voisin, et pour la proposition, mais nous on va surtout continuer à écoper hein, merci, bisous.

Ca fait un peu flipper mon assistante (moi aussi), qui réalise paniquée « Mais on peut pas te surélever, TOI !! », ça me fait beaucoup marrer. On alterne entre stress et rigolade d’ailleurs. On fait une pause rigolotte pour filmer le torrent de boue qui ravage la route devant, mais pendant ce temps là, l’eau est remontée. Des voisins décident de bouger leurs voitures du parking « pour faire de la place pour l’eau », ça nous semble obscur. Sarah prend des nouvelles régulièrement par SMS, et quand je lui dis « ça remonte » elle me répond « qu’est ce qui monte ?… » Ben l’eau, banane !!! Fou rire. Et puis sur twitter, je lis « les pompiers sont en cours d’intervention sur Essey… EN BARQUE ». Pas fou rire, flip. On guette par le judas ce que font les voisins (pas pour espionner mais pour ne pas ouvrir hein ^^), on voit le petit vieux d’en face en caleçon, les pieds dans la flotte. On les voit avec des bûches de bois dans les mains, on ne comprend pas, et on se marre en se disant que franchement, est-ce bien le moment de faire un feu de camp ? (bon après on repense à l’histoire des meubles à surélever)

On essaye d’entendre ce qu’ils disent, sans trop de succès, mais à un moment on entend clairement que « CA DESCEND » et effectivement, l’eau rentre moins vite chez moi, ouf, on souffle.

On commence à revoir apparaître les chevilles des voisins, alors on peut ouvrir la porte, ça ne rentre plus chez moi.

Je constate que je suis la plus épargnée des 4, ou alors on a vraiment bien géré. Alors on réquisitionne tous les balais, et on essaye d’évacuer la boue qui stagne encore, sur le pallier et chez notre tout petit vieux, toujours en caleçon, dans 5cm d’eau boueuse, sur son canapé en plein courant d’air, et qui refuse qu’on appelle sa famille. Les voisins du dessus mettent la main à la pâte (sauf ceux qui restent dans l’escalier à faire des commentaires à ceux qui bossent…). Bonne ambiance, tout le monde est fatigué, en a marre, mais tout le monde est content de voir qu’on s’en sort. On apprend que les pompiers ne viendront pas cette nuit, puisqu’au bout de notre rue, ils ont 1m50 d’eau. Oups.

On racle, on vide, et on finit par appeler la famille de Mr Smith. Tout l’immeuble attend l’arrivée du Michel, la gosse d’à côté vit visiblement la nuit la plus excitante de sa petite vie, nous on est (un peu) fatiguées, il est 4h, on va se coucher. Sans trop dormir pour autant. Rêves d’eau.

 

Réveil 8h, il ne pleut plus, une rude journée s’annonce. Les gens allument radio, télé, journal, et me harcèlent de « Il paraît qu’à Essey c’est gravissime, ça va toi ?! Besoin d’aide ?». Sur le parking, vision d’apocalypse, une couche épaisse de glaise gluante. Tout le monde est là, compare ses bobos. On attaque le décapage du champ de bataille, appartements boueux, caves (en RDC) encore bien trempées. L’air est saturé d’humidité, dur de faire sécher quoi que ce soit.

 

Et puis l’esprit sort de son mode automatique et comprend. Comprend qu’on a pas vécu un orage mais une catastrophe naturelle. Que j’ai eu une veine de cocue, finalement. Qu’effectivement, « on ne peut pas me surélever », et cette idée me fait moins rire.

Sur BFM mon petit maire qui parle de situation catastrophique et j’ai un peu envie de pleurer. Des témoignages de gens encore dans l’eau, et j’ai un peu envie de pleurer. Des gens qui passent toute la journée dans ma rue pour amener à la benne canapés, lits, brouettes de gravats, sacs de vêtement, électroménager et la boule dans ma gorge grossit à chacun de leur passage. Mon quartier est recouvert de boue, du bitume s’est déplacé. Je suis groggie.

 

Et je n’ai rien eu. Juste les plinthe de ma cave qui se décollent. Rien. Pfffou.

 

Je n’ai rien vécu, juste une toute petite aventure sans conséquence pour moi, juste récupérer un peu de sommeil et hop on passera à autre chose. Mais j’envisage un peu le cataclysme que peuvent vivre les gens qui ont échappé à une vraie catastrophe, un attentat, un accident, c’est assez irrationnel…

 

Du coup la semaine prochaine, on organise pour la première fois une fête des voisins.  🙂

 

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