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Mois : mars 2011

Journée sans viande : on peut y survivre, oui.

Joyeuse fête de la viande !

Aujourd’hui c’est la journée sans viande (ni poisson, ça va sans dire). Allez, une journée, un petit effort.

Je ne suis pas végétarienne, et je n’ai pas pour objectif de le devenir, mais je vous avoue que je prends conscience des problèmes causés par la sur-consommation viandarde, et que j’ai réduit considérablement mes repas carnés. Petit à petit, c’est pas douloureux de se rendre compte qu’un apport de viande à chaque repas est loin d’être indispensable et qu’il y a d’autres schémas possibles de repas que entrée / viande+accompagnement / dessert. Alors je vais continuer à changer mes habitudes,  en douceur. (Ah, je lis que je suis « flexitarienne » alors, ben voyons……)

Le site de la journée sans viande liste 4 bonnes raisons de limiter sa consommation de viande.

  • Pour les animaux : La maltraitance des animaux en élevage, aux abattoirs c’est MAL. Mais honnêtement, la cause animale n’atteint pas trop mes tripes. Logiquement, en privilégiant la viande bio, les animaux ont un peu plus d’espace etc… Mais c’est sans doute loin d’être parfait. Mais j’ai pas encore assez d’espace dans mon jardinet pour élever veaux vaches cochons couvées. Par contre, face à ma tranche de jambon, j’ai tout à fait conscience de manger de l’animal mort, et ça ne me pose aucun problème éthique. De même que je ne trouverais pas ça anormal de manger chat ou chien mort. (Je dirais bien « ou humain » mais je vais passer pour un monstre, oubliez ça.) Enfin moi je trouve ça assez écolo d’exploiter les ressources naturelles offertes, plutôt que de les laisser perdre… Soyons d’accord, ça me dérangerait beaucoup de le faire, parce que je suis bien conditionnée, formatée, mais je ne comprends pas que ça soit un tel tabou ultime. Enfin c’est sûrement différent pour qui croit qu’il y a un après la mort !

  • Pour sa santé : L’excès de viande n’est sûrement pas terrible pour la santé (comme beaucoup d’excès en fait), mais de la même façon que je mange bio pour d’autres raisons que pour ma santé, ça n’est pas ma principale motivation.

  • Pour lutter contre la fin dans le monde : Ah ça y est, mes tripes frétillent là. Tapez juste « viande » + « faim dans le monde » dans google, et de multiples sources vous feront froid dans le dos.
  • Pour l’environnement : Gaz à effet de serre, consommation d’eau, là aussi les chiffres convaincants ne manquent pas.

En fait je suis une pédagogue vraiment pourrie, j’en fais une tonne sur ce qui ne me convainc pas, et je survole l’important ! 🙂
Pas grave, je vous fais confiance pour ne pas être con, faire le tri, vous informer, et je suis sûre qu’au moins une de ces raisons peut vous toucher un peu. (j’en rajouterais même une cinquième pour me rattraper : la viande et le poisson, putain c’est cher !)

Ma contribution à cette journée sans viande : la recette du SEITAN. (ne vous la jouez pas trop exotique, ça ne se prononce pas seytanne, mais sétan)

Parce que les alternatives à la viande ne m’ont pas toutes convaincue (le tofu c’est une vaste blague !) (le tempeh j’aime beaucoup, mais moins « tout public » comme goût), commencez par le meilleur ! Parce que oui, c’est bon ! Les végétariens y voient une incroyable ressemblance avec la viande, l’assaisonnent pour coller au plus près, et d’ailleurs pas mal de viandards se laissent berner. Moi je trouve ça différent, tant mieux, et bon.

Il vous faut juste du gluten (un composant de farine de blé, ça se trouve en magasin bio, 4 à 5€ le paquet, je dirais qu’avec ça vous pouvez nourrir 20 personnes, ça n’arrive donc pas à la cheville de la viande côté coût !) Et un peu de sauce soja, et divers épices.

Recette simplissime : (pour environ 4 personnes)

Un verre de gluten (+ épices au choix à volonté) pour un verre de « liquide » (¼ sauce soja, ¾ eau) .

Malaxez 5mn, ça fait une boule assez collante. Laissez poser le temps de préparer un bouillon (kub, épices, vin, à vous de créer, ça imprègnera vraiment le seitan.)

Coupez le seitan en morceaux, comme vous pouvez / voulez (moi je le roule en boudin et découpe des tranches aux ciseaux) et plongez-les dans le bouillon à feu moyen pendant une bonne demi-heure.

Conservez-le plusieurs jours dans le bouillon, ou même congelez le.

L’avantage de ce truc, c’est que vous pouvez ensuite le cuisiner comme une viande, lui donner la forme que vous voulez : en lardons, escalope, nuggets, en bourguignon (très bon), brochettes, etc…

La texture, je dirais que c’est un peu plus « aéré » que de la viande, mais suffisamment ferme et tendre.

Au niveau nutritif, c’est aussi blindé de protéines que la viande, ça cale bien, et c’est sans doute bien moins gras !

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EDIT 17/02/16 : 5 ans plus tard, je suis toujours fan de ce truc mais ma méthode a changé.

Je prépare ma pâte de la même façon, moitié liquide (eau + sauce soja) moitié solide (farine de gluten + épices) (en fait un tout petit peu plus de liquide). On peut s’amuser à y rajouter différents trucs pour jouer sur le goût ou la texture, la poudre d’amandes par exemple c’est intéressant.

Mais je le cuis maintenant au four et c’est bien meilleur et plus simple !

J’étire ma pâte malaxée en boudin pour lui faire environ prendre la forme d’un moule à cake, j’arrose un tout petit peu, je couvre le plat pour éviter que ça ne sèche trop, et je mets à four doux (5-6) pendant environ 3/4h. Ça sent bon comme du gâteau dans toute la maison ! o/ Le seitan est plus ferme comme ça, se tient mieux, je préfère. Toujours à cuisiner ensuite de mille façons possible, comme un bout de viande.

Rendez-vous en 2021 pour une nouvelle astuce seitan !

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Indignez-vous mieux que ça

Je me réjouissais d’entendre les chiffres astronomiques de ce petit livre citoyen “indignez-vous“. Qu’on puisse offrir ça en famille, à noël, me faisait frétiller d’espoir pour l’humanité, juste pour le principe, ça fait plaisir. Je n’avais pas encore franchi le pas, alors quand Sarah m’a proposé de me le prêté, j’ai pas traîné.

Et là, oh déception. Je savais qu’il était tout court (15 pages) mais je pensais que du coup ça allait être dense, me prendre un peu aux tripes et me donner envie de changer tout. Dans le genre, il y avait eu “Matin Brun” de Franck Pavloff et découvert chez Manu. Tout petit ouvrage, pas argumenté, plutôt métaphorique/anecdotique, mais il m’avait laissé un petit goût amer qui ne s’oublie pas, et qui met de l’huile dans le moteur de l’indignation.

Mais là non. Pas du tout. Oh le bonhomme est certainement admirable, c’est émouvant qu’à 93 ans, on ait encore l’énergie d’exhorter les plus jeunes. Mais rien de plus fort que ça. Pour moi ces 15 pages se résument en bien moins : Indignez-vous, comme on l’a fait avant vous, vous avez des raisons (à vous de les trouver), et faites le de façon non-violente. Mais voilà, j’ai fermé ce livre sans cogiter plus qu’avant sa lecture. Pas d’huile dans le moteur, pour reprendre l’image. Juste du “il faudrait”. Mouais.

Alors je me réjouis toujours un peu, que tant de personnes aient eu envie de pousser l’indignation jusqu’à lire ça. Un peu. Mais je crains surtout que ça s’arrête là, dans un pays où l’indignation stérile est tellement répandue. S’indigner, on sait faire, c’est de la routine. On râle on est pas contents, on manifeste, oulala on se laisse pas faire. Mouais.

J’aurais aimé que Steph (oui, Steph.) arrive à titiller l’envie d’aller plus loin.

Parce que, une fois qu’on a dit qu’on était pas d’accord, et que ça n’a pas bougé en face, on fait quoi ? Hé bien on bouge ses fefesses et on commence par appliquer soi-même le changement qu’on réclame, ou du moins on essaye ! Même à toute petite échelle, faut bien commencer.

Tous les soirs, il n’y a rien à la télé, les médias nous prennent pour des cons : Avez vous pensé à la débrancher et vous informer/divertir autrement ?

Vous êtes scandalisés de tous les pesticides qu’on nous fait bouffer : Manger bio ?

Le bio est trop cher, c’est un truc de bobos : Sérieux, fallait pas aller en boutique bio. Y a du bio discount chez leader price, y a des AMAP dans toutes les villes, y a des producteurs locaux en dehors des villes, y a besoin d’un minimum de terre pour démarrer un potager.

Trouver toutes ces alternatives, ça nécessite du temps, avec un boulot c’est pas possible ! Ben si tu bossais à mi-temps tu gagnerais moins, mais tu pourrais aussi faire pas mal d’économies. Prendre conscience que c’est un choix.

La technologie avance à grands pas et nous vend des équipements toujours plus chers alors que le pouvoir d’achat, lui, n’augmente pas ! Tu as pensé que, peut-être, le bonheur ne passait pas uniquement par la consommation ?

La sécu ne rembourse plus rien, va nous laisser crever : Et si on commençait par ne pas sauter sur l’aspirine à la moindre fièvre, l’antidépresseur au moindre chagrin, pour laisser les fonds aux vrais besoins ?

Y a plus de boulot pour personne : Monter sa propre boîte, inventer sa vie ? Se passer de boulot ?

On vit dans un monde égoïste, on regarde nos voisins de travers, on ne se parle plus : Tu ressembles à quoi dans la rue, tu offres des sourires ou bien tu te préoccupes de bien serrer ton sac, au cas où ?

Le prix de l’eau/gaz/electricité augmente sans cesse : Tu fais quoi, pour en utiliser moins, à part couper l’eau pendant que tu te brosses les dents ?

Le prix de l’essence est un scandale : à pied ? transports en commun ? vélo co-voiturage ? moteur pantone ?…..

Les loyers à Paris sont totalement indécents : c’est bien vrai, mais est-ce que quelque chose te retient vraiment à Paris, ou bien tu es prêt à troquer tes 15m² contre 80 pour le même prix en province ?

On a un président vraiment pourri : Rassure moi, tu l’as dit quand on t’a proposé de voter ?…

Vous êtes révoltées contre le sexisme de notre société ? Et si vous arrêtiez de jouez les princesses inconsistantes, les filles ?

La criiise c’est la faute aux banques et aux traders, qu’est ce qu’on y peut ? Vous vous êtes renseignés sur l’éthique de votre banque, ce qu’elle finance, ce que financent des banques plus éthiques ?

Bref, une longue liste non-exhaustive, et pas du tout donneuse de leçons, je ne prône ni n’applique pas forcément tout ça, je voudrais juste qu’on dépasse le stade du ronchonchon, trouvons des alternatives joyeuses, laissons le voisin lorgner sur nos réponses personnelles, nous imiter s’il le veut, restons cohérents, et bien sûr, bien sûr, continuons à nous indigner de ce qui nous dépasse, ne dépend pas que de nous.

Et Steph, il a pas fait passer ça.

La maison Ronchonchon – Alexis HK

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Sans papiers

Samedi, Cragnou m’annonce solennellement qu’elle a eu une idée de génie. “Si on allait à Londres, je suis libre jusqu’au 30 mars ?!” Mais ouiiiiiii faut pas me dire ça deux fois, à moi, je jumpe d’enthousiasme ! Ca fait 15 jours pour nous organiser, faciiiile, j’adore les défis.

Et ce défi là c’est les doigts dans le nez.

Partons en eurostar, c’est pas trop cher. Hum donc ça veut dire ne pas emmener mon lève personne, je dois pouvoir en louer un sur place mais j’ai pas trop de pistes… Ou sinon on y va en voiture ? Ah ben oui ça coûte pas trop cher, ça simplifie tout, hop, ça c’est fait.

Il me faut une assistante, hop, un texto, ça devrait le faire.

Se loger, euh voyons voir. Dans l’idéal j’avais pensé à l’échange de maison, mais en 15 jours, pas possible. Alors le CouchSurfing pourquoi pas ? Le concept m’emballe, je m’inscris, je prospecte… Après examen, peu de gens sont capables de loger correctement 3 personnes, dans un logement accessible à Londres… Alors déçue, je me tourne vers les hotels… Aaaaaargh mais c’est quoi ce délire, 160€ la nuit pour 3, c’est pas tout à fait possible ça. Je désespère un petit peu, puis découvre qu’il y a des Etap Hotel à Londres (en France c’est ma valeur sûre accessibilité / pas trop cher). Pas ce qu’il y a de plus pittoresque, mais on ne fait qu’y dormir, alors parfait !!!

Ce matin, je fais donc le compte rendu de tout ça à Cragnou, ça s’annonce plus que bien, on frétille, on s’emballe, on envisage de réserver quand…

Euh… Tu crois qu’il faut VRAIMENT une carte d’identité valide pour aller là bas ?…

Panique, recherches, panique encore plus, OUI, il la faut VRAIMENT ! La mienne est périmée depuis juste 4 ans. Moi, j’ai dit que j’aimais les défis ?! Non non non, vous devez faire erreur, il ne m’intéresse pas ce défi à la con !!!

Panique toujours, je me mets à courir dans ma tête, je me renseigne en courant, je cherche où faire des photos en courant, je mange en courant, je file en vile : le premier photographe est fermé, le deuxième n’est pas accessible, le troisème, ouf c’est bon, je souris (en fait non) clic clac l’affaire est dans le sac. Je repars en courant à la mairie, donne 3 justificatifs de logement (il n’en fallait qu’un, mais on ne sait jamais ^^), remplis le formulaire en courant, puis verdict : elle arrivera dans 3 ou 4 semaines. Mais naaaaaaaan…… Devant mon désarroi, la dame de la mairie me promet d’écrire “urgent” sur la demande. C’est mignon et dérisoire, je ne crois pas que ça change quelque chose. 🙂

Je rentre en courant, cherche un plan B, le passeport éventuellement, j’appelle, on m’annonce 15 jours, un brin mieux… Mais il faut un acte de naissance,bon alors je courrai dans la Meuse demain ! Euh en fait j’ai demandé qu’ils me l’envoient, je verrai si j’ai le courage d’y aller ou pas, pour gagner 24h sur ce précieux timing.

J’avais mis “aller à Londres dans mes résolutions 2011, et vous pourrez constater que je me donne les moyens de les réaliser. ^^

N’empêche, cette course m’a laissée sur les rotules, je suis toute vidée. Alors je vais aller me prendre une petite vodka bien méritée (toute seule, parfaitement !), et je crois que je vais me regarder Welcome ce soir, par solidarité avec mes compagnons de galère qui se font refouler à la frontière par manque de papiers. 🙂

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Jeudi confession : ces derniers mois, ça n'allait pas. (Aka : Millepertuis saved my life)

Bon ben voilà, la confession est faite, ça n’allait pas, dans le genre vraiment pas quoi.
Maintenant je vais aussi vous confesser que ça commence à aller mieux et développer ce mini-miracle.

Quand l’esprit déprime, il rumine, c’est une chose. Une chose avec ses causes, plutôt bien identifiées dans mon cas. Mais souvent quand l’esprit déprime trop, l’organisme s’y met aussi, pour plus d’harmonie. Alors même quand l’esprit décide que bon maintenant ça suffit tu vas retrouver ta banane, sinon je te fous une pêche dans la poire, ben ça suffit pas, parce que t’es enfoncée dans un brouillard trop épais, dû au mauvais sommeil et au reste. T’as beau savoir ce qu’il faudrait faire pour aller mieux, une chape de plomb t’empêche d’avancer.

Il me fallait un petit électrochoc interne, je le sentais bien. Le redbull c’est bien, si si, j’y puisais une dose d’énergie pour quelques heures mais bon, y a plus sain que de carburer à ça. Le Prozac, j’ai testé une toute petite fois et j’ai beaucoup aimé (!) mais ça me faisait chier aussi de devoir passer par cette autre saloperie.

Alors j’ai cherché un truc gentil et naturel, et j’ai trouvé le millepertuis. Gentil et merveilleux.

Quasi ignoré en France, il faut savoir qu’en Allemagne, c’est le premier anti-dépresseur préscrit, loin devant Prozac et compagnie. Pas fous les Allemands, ils ont étudié le truc et conclu qu’il était aussi efficace que ses homologues chimiques, sur les dépressions légères à modérées, mais sans aucun effet secondaire ni accoutumance !

Voilà voilou, j’ai donc pris mes petites gouttes de millepertuis (en teinture mère, ça se trouve dans certains magasins bio ou en pharmacie, ou bien sûr sur le net) depuis un petit mois, et y a pas photo : ça va mieux ! Dès le début, retour d’une certaine sérénité, et au fil des semaines, énergie qui remonte en flèche !

Voilà ma petite expérience très positive, si vous êtes accro à d’autres pillules du bonheur qui vous enchaînent, réfléchissez au millepertuis ! Et si vous allez bien, ben ne changez rien hein ! ^^

(Attention – Warning – Achtung : le seul point faible de cette plante, c’est que le millepertuis peut baisser l’efficacité d’autres traitements, par exemple si vous prenez la pilulle, ou des médicaments anti-sida ou autres trucs importants, donc avant de foncer, renseignez vous bien, et demandez conseil à un pro, merci !)

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En voiture Gainsbarre

J’avais 11 ans, il y a 20 ans tout pile, je revenais de quelques jours passés chez ma grand-mère avec ma copine Amélie. Oui parce qu’en grandissant je m’y ennuyais un peu, alors j’avais le droit d’emmener une copine (bien contente de gagner des nouveaux grands-parents occasionnels).
Ma mère était venue nous chercher, on était donc en route, quelque part entre Meuse et Meurthe-et-Moselle. Mais encore en Meuse je crois.

La radio a annoncé la mort de Gainsbourg, et j’ai en tête l’image très nette de cette radio, avec ma mère à gauche et Amélie à droite (bah oui, pas l’inverse). A 11 ans, je ne sais franchement pas ce que je connaissais de Gainsbourg, j’avais dû voir ce vieux type bizarre et touchant chez Drücker ou Sabatier, sûrement, mes parents ne l’écoutaient pas à la maison, alors pourquoi cette nouvelle m’a scotché ainsi ? Ma mère a dû tempérer la nouvelle en rappelant son mode de vie dissolue… Je crois que ça n’évoquait rien à Amélie.

Enfin voilà, ce souvenir insignifiant pour mon quotidien de môme est resté gravé.
Et un jour, plus grande, j’ai lu “La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules“, alors je me suis dit que Delerm était mon jumeau-de-mort-de-chanteur.

La nouvelle en question s’appelle apprendre une nouvelle en voiture, la voilà :

« France Inter, il est dix-sept heures, l’heure des informations présentées par… » Un court indicatif musical, et puis : « La nouvelle vient de tomber sur les téléscripteurs : Jacques Brel est mort. »
A cet endroit, l’autoroute descend rapidement dans une vallée sans charme particulier, quelque part entre la sortie d’Évreux et celle de Mantes. On est passé là cent fois, sans autre préoccupation que celle de doubler un poids lourd, de commencer à s’inquiéter de la monnaie pour le péage.

Tout à coup, le paysage est découpé, arrêté sur image. Ça se passe en une fraction de seconde. On sait que la photo est prise. Cette côte à trois voies bien anonyme et grise qui remonte vers la vallée de la Seine prend un caractère, une singularité qu’on ne soupçonnait pas.
Peut-être même le camion Antar rouge et blanc sur la file de droite restera-t-il dans l’image.
C’est comme si on découvrait la réalité d’un lieu qu’on n’avait pas envie de connaître, qu’on associait seulement à un certain ennui, à une légère fatigue, une abstraction morose du trajet.
De Jacques Brel, on avait des tas d’images, des souvenirs d’adolescence liés à des chansons, ce déferlement physique de l’ovation quand il chantait Amsterdam à l’Olympia en 1964. Mais tout cela va disparaître. Le temps va passer. On entendra d’abord beaucoup de chansons de Brel, beaucoup d’hommages.
Puis un peu moins, et jusqu’à presque pas.
Mais chaque fois, le val d’autoroute au moment de la nouvelle reviendra. C’est absurde ou magique, mais on n’y peut rien. La vie fait son film, et le pare-brise de la voiture peut devenir un écran, l’autoradio une caméra. Des bouts de pellicule tournent dans la tête. Mais c’est le voyage qui fait ça aussi, cette fausse familiarité des paysages l’un par l’autre effacés qui un jour se cristallise.
La mort de Jacques Brel est une autoroute à trois voies, avec un gros camion Antar sur la file de droite.

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